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Suède et Norvège: aux sources de l’enlèvement d’enfants

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Suède et Norvège: aux sources de l’enlèvement d’enfants

En Suède comme en Norvège, l’enlèvement d’enfants par l’État est encouragé par un système qui les confie ensuite à des entreprises privées qui gèrent les institutions, ou à des familles d’accueil qui y voient une source de revenus conséquente. De nombreux enfants y sont, encore aujourd’hui, souvent maltraités, et dans le meilleur des cas, conservent le sentiment d’être coupables qu’on les ait enlevés à leurs parents. Les statistiques sur les pathologies mentales développées par les enfants dans ces institutions et familles d’accueil sont suffisamment explicites pour s’interroger sur l’opportunité de les placer pour des motifs exotiques. Dans la plupart des cas, les enfants sont en effet enlevés à leurs parents pour d’autres motifs que la maltraitance. Le système judiciaire suédois est profondément en décalage avec les pratiques dans les pays démocratiques. En matière sociale, les règles élémentaires de justice ne sont pas respectées, l’enfant est invisible, la procédure est inquisitrice, les parents sont considérés comme la partie adverse, les juges ne sont pas des professionnels du droit ou des affaires sociales, et le véritable pouvoir est détenu par des agents des services sociaux qui souvent font preuve d’une absence d’éthique et de discernement, et ne disposent pas d’une formation suffisamment riche pour qu’il en aille autrement. Le système peut s’appuyer sur un large réseau de personnes qui signalent systématiquement tout écart avec les nouveaux standards scandinaves, très discutables. Dans cette dernière partie de l’enquête, nous irons aux sources de ces standards, nous découvrirons l’origine de ces dysfonctionnements, une idéologie qui risque de s’étendre et ravager l’Europe occidentale toute entière.

Cet article représente la 5è et dernière partie de l’enquête sur les dérives du système de protection de l’enfance en Suède et en Norvège. Il ne saurait se comprendre sans la lecture des 5 articles qui traitent de ce problème. Le plan de l’enquête est rappelé ici:

Partie 1 : enfants enlevés par l’État en Suède et Norvège : quelques cas particuliers.

Partie 2 : des cas particuliers aux cas généraux, analyse des dérives d’un système.

Partie 3 : Familles d’accueil et institutions : maltraitance et business.

Partie 4 : Barnevernet, avatar du programme nazi lebensborn ?

Partie 5 : Aux sources des dérives : politique centrée sur l’enfant, théories psychanalytiques, behaviorisme rigoriste, action des « gourous »

 

Partie 5. Suède et Norvège : aux sources des dérives dans l’enlèvement d’enfants par l’État

 

Une politique centrée sur l’enfant

C’est dans les années 90 que la Suède a mené une politique centrée non plus sur la famille, mais sur l’enfant. Aujourd’hui, et contrairement à ce que les représentants officiels de l’administration suédoise clament, la priorité n’est plus de veiller à ce que les enfants restent auprès de leur famille. C’est ce que les chercheurs ont démontré. De toutes les façons, aucune personne sérieuse ne s’attend à ce qu’un représentant officiel d’une administration évalue objectivement son bilan. Ce n’est pas son rôle, ce n’est pas là qu’il faut chercher la vérité.

Bref, aujourd’hui, la famille n’est plus considérée par la Norvège et par la Suède comme un lieu privilégié où il faut éduquer l’enfant. L’école, relais idéologique de l’État, applique le nouvel agenda éducatif, à défaut de proposer une instruction de qualité. Même si PISA n’est pas un instrument fiable de la mesure de la performance scolaire, il faut noter que la Suède est 28è au dernier classement, et la Norvège, 24è. Peut-être qu’on passe trop de temps à éduquer et pas assez à instruire dans ces écoles. C’est également le cas en France.

Il faut souligner que la famille nucléaire n’a pas toujours été le foyer privilégié de l’éducation d’un enfant, y compris dans l’histoire récente. Celle-ci incombait à la famille élargie ou, dans les foyers argentés, aux précepteurs et domestiques. Dans certaines campagnes d’Afrique Noire, encore aujourd’hui, le rôle d’éducation appartient au village. La structure familiale européenne, qu’elle soit traditionnelle ou moderne, n’est pas le seul modèle.

Il faut également souligner qu’un enfant n’appartient pas à ses parents et que ses parents ne lui donnent pas la vie. Ils n’en n’ont pas ce pouvoir. Ils se contentent de transmettre le code génétique. Et l’enfant se construit seul, dans un environnement varié, en interprétant les stimuli. Il les interprète. Il ne les absorbe pas fidèlement, à l’identique, et les neurones miroirs n’y feront rien. L’enfant, comme l’adulte, fait des inférences bayésiennes, et ces inférences sont personnelles. Voilà pourquoi les enfants d’une même fratrie peuvent être si différents ; voilà pourquoi les enfants ne font pas ce que les parents ou les enseignants attendent d’eux ni ne se posent comme un fidèle reflet de leurs aînés. Ils prélèvent dans leur environnement ce qu’ils veulent et il n’existe aucun précepte éducatif, aucune pratique pédagogique qui fonctionne à coup sûr.

Mais l’enfant appartient encore moins à l’État, et je doute qu’un État soit capable d’aimer un enfant comme peut le faire une famille, même imparfaite, qu’elle soit biologique ou adoptive, traditionnelle ou moderne. L’État n’est pas un lieu d’émotion, or les émotions sont essentielles à la cognition et au développement de soi. Or, lorsque l’État s’immisce à ce point dans les affaires familiales, qu’il enlève les enfants à leur famille avec autant de légèreté, l’État se transforme en une arme de destruction massive de la famille. La famille d’accueil, dont on peut douter que statistiquement elle exerce cette activité par charité, surtout au vu des émoluments que l’État verse, ne peut se poser en substitut de la famille adoptive ou biologique, traditionnelle ou moderne. En Suède comme en Norvège, le recours aux familles d’accueil coûte très cher à l’État, si bien que la solution qui se dessine est de généraliser les institutions gérées par d’importantes entreprises comme Argan ou Wallenberg, qui créeront des « orphelinats » temporaires, des centres d’éducation comme on en a déjà connu dans le passé, avec les horreurs qui ont été révélées par les historiens. Face à la puissance de l’État ne reste plus que l’individu, fragile et isolé, surtout si c’est un enfant.

Dans la seconde partie de cette enquête, à travers l’analyse du système de la protection de l’enfance suédois, on a appris que l’État était au centre de toute chose. Et c’est la même chose pour la Norvège. L’enfant, y compris de 14 ans, n’avait aucun pouvoir décisionnel. La famille et l’enfant sont invisibles dans le processus décisionnel.

Il ne reste donc plus que l’État.

Comment en est-on arrivé là ?

Tout est parti d’une conception dévoyée de l’égalité doublée d’un réductionnisme, portée par des apprentis-sorciers et nourri de psychanalyse et de behaviorisme.

 

 

Pathologies de l’égalité

Qu’un système économique produise des inégalités du fait de l’action de ses agents qui poursuivent un but légitimement égoïste, et que l’État se charge de les réduire afin que tous puissent trouver sa place, cela fait sens, même si sur le plan de l’économie et de la systémie, cela peut être contestable, parce que les agents économiques qui poursuivent un but légitimement égoïste peuvent aussi contribuer au bien-être général dans des relations englobantes, volontairement ou non.

En revanche, que l’héritage culturel qui a placé les hommes en première place dans certaines sociétés humaines soit mis à mal par l’État afin que les femmes disposent de la liberté d’y avoir accès d’une égale manière, on ne peut qu’être d’accord, comme on peut reconnaître que de nombreux efforts restent à faire.

Que toute forme de discrimination soit combattue par l’État au nom de l’égalité, l’affaire est entendue.

Mais à aucun moment l’égalité ne peut ontologiquement nier et renier la différence. Or, les laboratoires sociétaux que sont la Norvège et la Suède sont devenus des lieux de production de pathologies de l’égalité.

Au nom de l’égalité homme-femme, on en vient à nier les différences sexuelles qui ne se limitent pas aux différences physiologiques, permettant même à des écoles d’imposer la théorie du genre, alors que c’est dans la différenciation sexuelle que le Vivant a pu assurer les conditions de son existence, de sa croissance, de sa diversité, de sa force enfin. L’Égalité ne signifie pas standardisation, uniformisation.

Au nom de l’égalité adulte-enfant, on en vient à nier les innombrables différences qui les séparent. Un enfant n’est pas un adulte. Il ne dispose ni de l’expérience ni du savoir d’un adulte, et qui conditionnent la prise de décision. Son cerveau connaît de profonds bouleversements, certaines structures cérébrales essentielles sont matures à la fin de l’adolescence. Tous les enseignants savent qu’on n’enseigne pas à un enfant de 15 ans comme à un enfant de 3 ou 10 ans.

Un enfant n’est pas un adulte, et les réponses éducatives proposées à l’enfant ne peuvent pas être celles que l’on propose à un adulte. Ainsi l’enfant de 3 ans qui remplit son verre au robinet et le laisse déborder pendant quelques minutes ne fait pas une bêtise, il explore les lois de la physique. Il est inutile de le gronder, encore moins de lui donner une fessée. Non seulement il ne comprendra pas, mais on pourrait lui envoyer le message qu’apprendre les lois de la physique, qu’explorer par soi-même n’est pas une bonne chose. Mais s’il ne faut pas gronder cet enfant, il ne faut pas davantage laisser l’eau couler. Lui expliquer l’impact que cela peut avoir sur les finances de la famille ou sur l’écosystème ne seront pas davantage compris. En revanche, ce qui est certain, c’est que les lois de la physique imposent des limites auxquelles nous sommes tous assujettis, et si on ne ferme pas le robinet, l’eau continuera de couler jusqu’à ce que la source se tarisse. Ce qui est également certain, c’est qu’un enfant de 10 ans est en mesure de comprendre les arguments écologiques ou pécuniaires, si ceux-ci sont répétés et associés à d’autres exemples qu’une eau qui coule d’un robinet. Bref, à chaque stage du développement d’un enfant, il lui faut une réponse appropriée.

Un enfant n’est pas l’égal d’un adulte, et un enfant de 3 ans n’est pas l’égal d’un enfant de 10 ans. Cela ne signifie pas que l’un ou l’autre doit avoir moins de considération, moins de poids. L’absence d’égalité ne signifie pas nécessairement l’introduction d’une supériorité, d’une hiérarchie, juste la reconnaissance d’une différence. Cela signifie seulement que la réponse doit être adaptée.

En considérant qu’un enfant de 3 ans est l’égal d’un enfant de 10 ans ou d’un adulte, et que la réponse donnée à l’un doit être égale à la réponse donnée à l’autre, on en vient à renier les différences, à nier l’évidence, à introduire un biais d’analogie.

Criminaliser les parents parce qu’ils ont donné une fessée à un enfant, au motif qu’on ne donne pas une fessée à un adulte, c’est introduire un biais d’analogie. Et lorsqu’on constate que sous l’action salutaire de la loi, la violence physique autrefois employée par les patrons pour discipliner leurs employés n’est plus aujourd’hui d’usage, et que par conséquent, on s’interroge sur l’emploi de la fessée avec un enfant, on introduit également un biais d’analogie. Et on introduit également un biais de confirmation, parce qu’on oublie de préciser que la violence existe toujours dans le monde du travail. Elle a seulement changé de forme, elle est plus insidieuse et plus psychologique, y compris en Suède ou en Norvège. Le spectre du licenciement pour un employé, celui de ne plus avoir de marché pour un patron, sont également des formes de violence dans le monde du travail et elles provoquent de sérieux dommages psychologiques et physiques. De plus, en comparant l’employé autrefois frappé par son patron et l’enfant aujourd’hui fessé par ses parents, on entretient la confusion. En effet, les patrons ne fessaient pas, ils frappaient. Donner une fessée sans faire mal, ce n’est pas être maltraitant. C’est une réponse qu’un jeune enfant peut comprendre, puisqu’il va cesser de faire couler inutilement de l’eau, et sa santé physique ou psychologique ne seront pas en danger. Certains enfants ne feront plus couler l’eau inutilement. D’autres, au contraire, iront défier leurs parents, et une partie de ces derniers pourraient effectivement ne pas se maîtriser, mais ce sont vraisemblablement ceux qui ont un problème d’inhibition et cela se manifeste dans d’autres circonstances. La fessée n’est évidemment pas une réponse appropriée, et cela suffit pour que son emploi tombe en désuétude. Cependant, criminaliser les parents et leur prendre leur enfant – ou même leur infliger une sanction pécuniaire – est encore moins approprié, pour les parents comme pour l’enfant. L’éducation des parents et l’élimination des facteurs qui entraînent la maltraitance sont la seule voie possible.

Ce biais d’analogie, cette pathologie de l’égalité étaient déjà présents en Suède en 1979, lorsque la loi anti-fessée a été adoptée, apprend-on de la plume de Monsieur Jean-François Held, dont l’article publié par l’Express a été reproduit sur le site du NKMR, le Comité Nordique des Droits Humains. L’argument « on ne doit pas fesser un enfant puisqu’on ne fesse pas un adulte » ou « le patron ne frappe plus son employé alors on ne doit pas fesser un enfant » a déjà été utilisé et a donné naissance à cette loi.

Soulignons également qu’à l’époque, en Suède, certains intellectuels s’étaient interrogés sur la nécessité de faire passer une telle loi puisque les parents suédois ne disciplinaient pas leurs enfants en les fessant. Et les porteurs de la loi de donner pour réponse que cette loi n’était pas contraignante, qu’elle n’avait qu’une ambition éducative. Aujourd’hui, Madame Marisol Touraine et Madame Laurence Rossignol ont repris exactement l’antienne : la loi est symbolique. Puis elle deviendra, comme en Suède et Norvège, contraignante. C’est le résultat du processus d’habituation : petit à petit, on augmente les contraintes, arguant que ce qui précédait n’était pas assez contraignant, et que les gens l’avaient déjà accepté. On prendra aussi le cas d’un enfant battu par ses parents pour faire davantage accepter une telle loi : c’est le processus de sensibilisation. Tout cela est très connu en psychologie. Et on ira chercher les modèles qui nous arrangent, les résultats scientifiques qui nous arrangent, en oubliant tous les autres : le biais de confirmation. Aucune étude scientifique n’a jamais prouvé que la fessée modérée provoquait de sérieux dommages psychologiques chez l’enfant. Lorsqu’une telle étude sort, elle est contredite par une autrepar une autre, et le professeur Christopher Ferguson, spécialiste des biais en psychologie, m’a confirmé dans une conversation privée que la méta-analyse du professeur Gershoff n’apportait aucun éclairage nouveau. Seulement, on fait toujours plus de publicité aux études qui « prouvent » ce que l’on souhaite prouver. La loi est ensuite emballée et appliquée.

En réalité, cette loi pourrait n’être qu’une première étape vers un contrôle des familles par l’État. La seconde pourrait être de considérer que la famille n’a pas à éduquer un enfant puisqu’elle peut lui instiller des idées contraires à la vision de l’État, au consensus social, obtenu par l’habituation.

Pour être très clair et prévenir les extrapolations hasardeuses : je suis absolument convaincu que les personnes qui veulent faire passer ces lois sociétales sont animées par de bons sentiments et qu’elles n’envisagent nullement que l’État se substitue aux familles. Cela n’est pas du tout planifié, il n’y a donc aucun complot, c’est impossible.

Pragmatiquement, le projet d’abaisser la scolarité légale des enfants revient à les faire passer un peu plus sous le giron de l’État.

D’ailleurs, une fois qu’on a admis qu’un enfant n’appartient pas à ses parents et qu’il est un individu distinct de ceux-ci (ce qui est le cas sur le plan physique et psychologique), il apparaît fondé de croire que ses idées et ses opinions ne doivent pas être influencées par ses parents, que ceux-ci outrepassent leur rôle de gardien, de soignant (attention à ce glissement sémantique qui remplace de plus en plus la notion de parent) et qu’au nom de l’égalité, l’enfant doit être également élevé dans le même environnement idéologique, celui qui est bien entendu proposé par l’État. C’est réellement une pensée qui fait son chemin dans les pays nordiques, et qui s’empare de l’Europe occidentale toute entière.

Mais il s’agit d’une pathologie de l’Égalité. L’enfant puise ce qu’il veut dans son environnement, c’est ainsi que le cerveau apprend. Si son environnement est pauvre, uniforme, il deviendra très certainement un adulte pauvre, uniforme. Une fraction se rebellera très violemment, que la violence soit portée contre elle ou contre autrui. Un cerveau apprenant a besoin de stimuli riches et variés, et il les interprétera d’une manière unique, singulière et en inhibera d’autres, se construisant peu à peu, et se modifiant tout au long de sa vie. Si en imposant l’égalité absolue, on ne lui permet pas de se singulariser, il sera confronté à la médiocrité comme à des crises d’identité et développera maintes pathologies. On sait aujourd’hui que de nombreux problèmes de santé sont causés par un système digestif pauvre en microbiome, résultant d’une alimentation peu variée et de contacts sociaux moins divers. C’est la variété, la diversité, qui renforce le Vivant et les cultures, au niveau physique et psychologique, au niveau de l’individu comme de l’espèce.

L’égalité est un beau mot, un beau concept. Mais les pays scandinaves l’ont poussé dans ses extrêmes, développant une pathologie de l’égalité. Et la France, ainsi que d’autres pays, leur emboîtent le pas sans réfléchir. En psychologie du développement de l’enfant, on sait qu’il ne faut pas traiter deux enfants d’une même fratrie également, mais qu’il faut les différencier, afin que chacun se construise une identité forte. Il faut leur proposer un espace dans lequel chacun puisera ce qu’il veut. En psychologie de l’éducation, on sait qu’on détruit la motivation des meilleurs élèves en les soumettant à des problèmes et exercices qui leur est trop facile de résoudre, ou en proposant à des élèves faibles des exercices et problèmes destinés à des élèves moyens. Seule l’instruction différenciée permet aux uns comme aux autres de s’accomplir. Et l’élève faible n’a pas moins de valeur que l’élève fort.

Ce n’est pas l’égalité qu’il faut promouvoir, mais l’équité, le fait que chacun puisse trouver sa place dans la société en fonction de ce qu’il est, de ce qu’il souhaite devenir, en accord avec ses possibilités physiques et intellectuelles.

Ce n’est pas l’égalité qu’il faut promouvoir, mais le changement de regard sur la différence. Et cela se fait par l’éducation, par l’exposition de la différence afin qu’oeuvre le processus d’habituation.

Le rôle et le poids des parents diminuent graduellement, à mesure que l’éducation des enfants est assurée par l’école, les copains et le téléphone portable. On en viendra très probablement à considérer qu’un enfant peut être élevé par n’importe qui, que cette fonction d’éducation doit être une fonction rémunérée ; le système économique ayant abandonné de nombreuses activités aux robots et algorithmes y trouvera alors un nouveau débouché.

 

 

Biais d’analogie, biais de confirmation, « null studies »

On pensait déjà en Suède que la violence nourrit la violence, ou que « les criminels ont tous été battus quand ils étaient petits. » Mémorisons bien cette citation entre guillemets, elle s’éclairera.

En matière de maltraitance d’enfants, le bilan innocenti n°5, publié par l’Unicef est bien plus mesuré qu’on ne le croit. Il parle de liens, de corrélation, pas de causalité. Et pour cause, on n’en n’a pas trouvé. Il avertit également le lecteur sur l’extrême difficulté à établir des comparaisons internationales.

En page 20, ce bilan s’attarde sur le fait “qu’il existe un lien entre le fait que la victime devienne probablement à son tour un bourreau d’enfant, mais que le grand public a transformé cela en « Devenus adultes, les enfants maltraités maltraiteront leurs propres enfants», alors qu’en réalité, les deux tiers des parents qui ont subi des sévices durant leur enfance ne maltraitent pas leurs enfants“.

Voilà la vérité : les deux tiers des parents qui ont subi des sévices durant leur enfance ne maltraitent pas leurs enfants ! Le schéma simplissime de l’imitation est bien mis à mal.

Notons également que les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur l’interprétation des statistiques, et l’Unicef, qui n’est pas un organe de recherche, établit à son tour un biais de confirmation en minimisant les études scientifiques qui ne vont pas dans son sens. Notons également, et cela est capital: jamais ne sont médiatisées les études scientifiques qui affirment qu’on n’a pas trouvé de lien entre x et y. Peu sont d’ailleurs publiées. Ces études – les « null studies » – n’intéressent ni les éditeurs ni les médias dans le contexte du « publish or perish » et du rang d’une Université dans le classement de Shangaï, ce même contexte qui pousse à une inflation de publications scientifiques de pauvre qualité, et souvent erronées, y compris dans le milieu médical dont on sait que la moitié des études sont biaisées d’après The Lancet, le plus sérieux des périodiques médicaux.

Quant aux facteurs qui pourraient expliquer la maltraitance, le Bilan Innocenti n°5 nous apprend que c’est leur accumulation qui provoquerait l’acte de maltraitance. Pas un fait isolé.

Le principal responsable est « l’abus des drogues [qui] est la cause de, ou contribue à, la moitié au moins de tous les cas de maltraitance des enfants. » [et que] « D’autres chercheurs ont conclu que l’abus des drogues triple le risque de maltraitance infantile. »

La pauvreté est également un facteur important, mais pris isolément, il ne se pose pas comme un facteur explicatif suffisant. Il en va de même pour les familles monoparentales qui sont plus touchées, mais où il est difficile de dire que la maltraitance infantile provient du parent ; elle peut provenir des autres enfants.

Bref, on le voit, la réalité scientifique est bien loin du message simpliste que l’on véhicule.

Si les principaux facteurs qui conduisent à la maltraitance sont l’abus de drogues, la pauvreté et la monoparentalité, pourquoi ne pas résoudre les problèmes à la racine plutôt que d’en traiter les conséquences ?

 

 

Approche systémique contre réductionnisme scientifique

Ceux qui dévoient les études scientifiques se reposent exclusivement sur une approche réductionniste, incapable de rendre compte de la complexité. Or les relations humaines sont complexes.

Et l’appel aux neurosciences n’y changera rien. Le cerveau est certes composé de neurones-miroirs, mais cela ne suffit pas à expliquer la faculté d’imiter. Les neurones miroirs ne fonctionnent pas en milieu isolé, ils sont en relation avec d’autres structures cérébrales qui rendent possible la faculté d’imiter. Dans l’histoire de son évolution, l’Homme était d’ailleurs capable d’imiter avant l’apparition des neurones miroirs. De l’autre côté, on peut tout aussi bien dire que l’une des spécificités humaines en matière de cognition étant son cortex préfrontal particulièrement développé par rapport aux autres espèces, que ce cortex préfrontal participe (il n’est pas le « siège ») à la faculté d’inhiber, l’Homme est capable d’inhiber l’imitation. Donc, non, ce n’est pas parce qu’on évolue dans un milieu violent qu’on deviendra violent. Ce n’est pas parce qu’on a reçu une fessée qu’on en donnera à son tour. Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas été battu qu’on ne battra pas à son tour. L’être humain ne fonctionne pas sur des schémas comportementaux aussi simplistes. L’approche réductionniste ne fonctionne tout simplement pas.

On peut remonter les premiers principes de la systémie à Blaise Pascal qui dans Les Pensées avait écrit :« Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. »

Si l’on en vient à étudier l’enfant (la partie), sans étudier objectivement ses relations avec son environnement (le tout, la famille, les amis, etc.), on peut aisément parvenir à de fausses conclusions, notamment que la famille est un lieu de danger.

Oui, la famille est un lieu de danger. Mais l’école aussi, et tous les lieux où l’enfant peut être en interaction. Que penser de la prestigieuse école Lundsberg où a étudié l’élite suédoise, dont des Princes ? Une école qui a été fermée en 2013 parce que les élèves étaient maltraitants. Ont-ils reproduit les schémas parentaux? Faut-il que des agents des services sociaux aillent enquêter dans leurs familles respectives ? Ces enfants regardent-ils tous dans les yeux ? Sont-ils tous organisés ? Faut-il retirer les enfants des Grands de Suède et les placer dans une institution ou une famille d’accueil ? Ou bien, peut-être que la loi LVU ne s’applique pas à eux. Ou peut-être qu’ils ne constituent pas une cible privilégiée sur laquelle les agents des services sociaux vont enquêter, alors ils n’enquêtent pas. Ou peut-être que ces enfants vivent dans la même caste sociale et qu’il existe une omerta ; on ne risque donc pas de les signaler. Ce qui est certain, c’est que dans tous les pays du monde, les enfants des principaux décideurs apprennent dans des écoles aux pédagogies traditionnelles où règne la discipline ; l’égalité et la médiocrité, c’est bon pour les autres.

D’après ce rapport officiel, on apprend qu’entre 1995 et 2005, 2 % des élèves de 15 ans ont rapporté que les actes de violence les plus récents auxquels ils avaient été exposés se sont produits à l’école. Faut-il enlever les enfants des écoles ? L’école produit-il de la violence ? Les enfants ont-ils reproduit les schémas parentaux ? Ou bien ont-ils appris par eux-mêmes à être violent ? Notons que ce rapport traite des violences sévères alors que les services sociaux suédois et norvégiens volent les enfants aux familles pour des faits moins graves. Il faut également préciser que la rédaction de ce document tend systématiquement à minimiser les incidents, alors que lorsqu’il s’agit d’aborder la famille, une telle réserve n’est pas employée. L’État s’exonère bien facilement. Également, les méthodes d’investigation ne sont pas les mêmes, on se base sur les témoignages des enfants et les rapports des chefs d’établissement. Ce ne sont pas les agents des services sociaux qui vont enquêter, avec leurs méthodes inquisitrices et leur grille de lecture inappropriée. Dans le cas contraire, je parie que les rapports seraient bien plus sévères.

Les familles biologiques sont effectivement des lieux de danger, mais c’est aussi le cas de l’école, des familles d’accueil et des foyers, que ce danger soit incarné par les adultes ou par d’autres enfants.

Il est donc très facile de trouver des lieux de danger pour les enfants et tout aussi facile de désigner la famille biologique comme coupable en oubliant tous les autres lieux.

 

 

Psychanalyse et “gourous”

Le désir légitime d’égalité, poussé aux extrêmes, conduit à une pathologie de l’égalité. Le réductionnisme scientifique n’est pas une bonne méthode pour expliquer des phénomènes complexes, les études en psychologie comme en sociologie ou en médecine comportent souvent des biais parce que les phénomènes observés sont extrêmement complexes, et une politique juste ne peut se reposer sur des faits scientifiques non prouvés. Une politique centrée sur l’enfant, non plus sur la famille, ne peut que constater que la famille est un lieu de danger, et conduire au fait qu’il faut retirer l’enfant à sa famille. Les personnes en charge des affaires publiques confondent corrélation et causalité et sont abusées par des lobbys. Voilà quelques sources du problème de l’enlèvement étatique d’enfants.

Il en est une autre : la psychanalyse.

Malgré les multiples condamnations scientifiques dont la psychanalyse a été l’objet, elle demeure toujours très présente en France et a grandement contribué aux lois sur la protection de l’enfance dans les pays du Nord.

Comme l’indique Joël Paris, professeur de psychiatrie (discipline exercée par des médecins) à l’Université McGill « L’idée que de petites difficultés dans l’enfance peuvent causer de sérieux problèmes dans la vie d’adulte est caractéristique de la psychanalyse. »

Joël Paris: The fall of an Icon, psychoanalysis and academic psychiatry, University of Toronto Press, 2005 : (p.67)

Vous vous souvenez de cet article rédigé par Monsieur Jean-François Held dans l’Express et reproduit sur le site du NKMR (Comité Nordique des Droits Humains) dont j’ai parlé plus haut ? Vous vous souvenez de cette phrase : « les criminels ont tous été battus quand ils étaient petits. » ?

C’est l’une des pensées qui a guidé la psychanalyste Alice Miller qui a à son tour grandement influencé les législations en matière de protection de l’enfant. S’il est facile de reconnaître le rôle positif de Madame Miller dans la prise de conscience qu’un enfant n’est pas un objet sans conscience et que les méthodes d’éducation traditionnelles n’étaient pas toujours adaptées, il est aussi facile de reconnaître qu’elle s’est égarée en chemin, reportant sur les parents maintes suspicions et culpabilités, développant des théories non confirmées, et suscitant un culte à sa personne.

En l’espèce, c’est ce que révèle la journaliste du New York Times Daphne Merkin, qui connaît très bien la littérature de Miller – elle a contacté ses éditeurs et reçu des témoignages de l’entourage de cette dernière – elle est donc la plus claire :

« Miller prend très au sérieux son rôle d’ange vengeur, avec pour résultat que sa pensée s’est solidifiée en une idéologie composée de présupposés réductionnistes, quelques évidences scientifiques douteuses et nombre d’affirmations vagues. […] L’une des frustrations que l’on ressent à lire cet auteur a toujours été la manière dont elle s’est avec légèreté emparée des recherches menées par autrui. Dans ce cas, le problème tient moins dans le fait que les intéractions corps-esprit soient possibles (j’ai tendance à partager cet avis) que l’emploi hautement spéculatif que Miller fait de découvertes elles-mêmes incertaines. Elle attribue tous les types de pathologie, incluant les désordres intestinaux et l’autisme, au refoulement comme au déni. […] Il est vrai qu’elle s’est constituée un culte de fidèles et a influencé la législation contre l’emploi de la punition corporelle en Allemagne. Mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas prise au sérieux en dehors d’un groupe de croyants. »

Et le journaliste Matt Seaton de répondre en écho dans The Guardian, le pendant anglais du New York Times :

« Elle est une évangéliste, en mission pour réparer l’accumulation d’humiliations dont ont souffert les enfants. Sa conception de la psychothérapie se réfère au fait que le thérapeute n’est pas qu’un écoutant qu’on sollicite comme le veut la psychanalyse classique, mais un « défenseur » ou un « témoin éclairé » qui est « partial » et épouse le point de vue de la victime. Et les parents, dans sa philosophie, sont coupables jusqu’à ce qu’ils aient prouvé le contraire ».

On retrouve parfaitement dans les propos de Seaton et Merkin les fondements de la politique suédoise et norvégienne, et qui déferlent sur l’Europe toute entière : des parents coupables jusqu’à ce qu’ils aient prouvé leur innocence, le fait qu’un enfant battu battra à son tour une fois parent, le dévoiement des études scientifiques. Si Miller n’est effectivement pas prise au sérieux par la communauté scientifique, elle l’est par les dirigeants des pays nordiques, des gens comme Marisol Touraine et Laurence Rossignol, et beaucoup de personnes qui siègent à l’Unicef ou encore au Conseil de l’Europe.

C’est peu dire que le discours psychanalytique est séduisant (il propose des explications simples à des problèmes complexes), et il peut répondre aux attentes de certaines personnes en souffrance, mais il repose sur des bases vagues et fragiles, prétend avoir une réponse à tous les problèmes (alors qu’un médecin généraliste avouera souvent son incompétence pour renvoyer son patient vers un spécialiste), une réponse qui prend ses racines dans l’enfance, et surtout, surtout, se place hors du champ de l’évaluation, d’une méthode d’observation rigoureuse, d’expérimentation minutieuse, de travail sur des données objectives et stables, de corrections insatiables, sans préjuger d’autres éléments invariants qui s’appliquent aux sciences et non à la littérature. Et même avec toutes ces précautions, la science se trompe souvent. Mais la science ne relève pas de la foi, elle n’est que doute et questionnements.

Lorsque des personnes qui ont l’oreille des médias font croire que parce que les dictateurs Hitler ou Staline (et bien d’autres) ont été maltraités dans l’enfance, et qu’il faut interdire la fessée par prévention, ils font abstraction du contexte de l’époque, et fort heureusement, l’immense majorité des personnes qui ont été maltraitées par leurs parents sous Hitler et Staline ne sont pas devenues dictateurs. Et lorsque ces mêmes personnes s’enfoncent un peu plus dans la géopolitique, arguant qu’il existe un lien entre les guerres et l’emploi de la fessée pour discipliner les enfants, ils en oublient que la Suède, le pays qui a le 1er interdit la fessée, est aujourd’hui le 3è exportateur d’armes par habitant au monde. Non, ni la géopolitique ni aucun autre fait complexe, de quelque nature que ce soit, ne peut se dissoudre dans des explications simplistes qui trouveraient leurs fondements dans l’enfance. Un être humain est un mutant, sur le plan de l’espèce, comme sur le plan de l’individu: il évolue en prise avec son environnement.

Lorsque la psychanalyse passe du rôle d’écoute d’un client au rôle de précepteur d’une politique, il y a tout lieu de s’inquiéter sérieusement.

 

 

Aux sources des dérives : le behaviorisme rigoriste

Si la psychanalyse a clairement influencé les politiques en faveur de la protection de l’enfant, il en va également d’une conception rigoriste et dépassée du behaviorisme.

Le behaviorisme est un courant de la psychologie qui s’est formé en réaction à la psychologie et philosophie de l’introspection. Son objectif était d’observer le comportement humain à travers des études scientifiques mesurables, ce que ne permettait pas l’introspection, mais aussi donner les moyens de modifier ce comportement.

En apprentissage (mon domaine de prédilection avec les critical thinking skills et la systémie), le behaviorisme a mis l’accent sur le renforcement, la mesure, la performance observable ou encore l’approche par compétence.

Elle a influencé les thérapies destinées à modifier le comportement : Thérapies Cognitivo-Comportementales, perte de poids, désintoxication (cigarette, alcool et autres drogues), etc.

Elle est encore très présente dans la formation pour adultes, lorsqu’il s’agit de former à l’emploi de gestes simples, et en marketing (la ludification, le fait de gagner des miles, par exemple).

Selon l’approche behavioriste, l’apprentissage résulte d’une relation entre l’homme (ou les autres animaux) et son environnement sous la forme d’un stimulus qui entraîne une réponse.

Ses premières grandes figures furent Thorndike (Loi de l’Effet, conditionnement opérant) et Skinner (conditionnement instrumental, opérant) et le plus connu du grand public, Pavlov, le découvreur du conditionnement classique.

La notion d’éducation positive prônée par certains courants actuels qui se croient progressistes n’est qu’un avatar du behaviorisme primitif, puisque Skinner avait déjà abordé les notions de renforcement positif (renforcer les aspects désirés d’un comportement) ou d’extinction, soit le fait d’empêcher le renforcement. Considérer que la punition est une solution inefficace sur le long terme vient de Skinner. Autrement dit, ceux qui se croient modernes ne font que reprendre de vieilles idées…dont on connaissait déjà les limites dans les années 50 ! Même en marketing, les miles offerts en récompense ont un effet très limité.
En effet, des chercheurs en éducation ont commencé à voir les limites du behaviorisme dont découle l’apprentissage associatif, une conception mécaniste reposant sur l’essai-erreur et le déterminisme (un fait en entraîne un autre), parmi d’autres caractéristiques comme l’imitation.

Aujourd’hui, ceux qui croient qu’un enfant élevé dans un environnement violent aura tendance à reproduire ce qu’il a vu, que jouer aux jeux vidéos violents rend violent, qu’un enfant qui reçoit une fessée en donnera à son tour une fois adulte, que tout le monde naît bon mais que les mauvais stimuli rendent mauvais, qu’on ne peut pas être violent si on n’a pas été élevé dans un contexte violent (…) sont des behavioristes. Et toutes ces conceptions sont erronées.
Aussi séduisants que soient ces éléments (et j’aimerai réellement que les choses soient aussi simples), l’Homme est un être infiniment plus complexe qui interprète toujours ce qu’il vit et est capable de créativité, c’est à dire de s’abstraire d’un modèle déterministe et imitatif. En revanche, ce qui est certain, c’est que l’égalité conduit à l’uniformité, et l’uniformité tue la créativité.

Dans les années 50, Albert Bandura s’est détaché du courant behavioriste pour devenir l’un des premiers socioconstructivistes occidentaux. Le behaviorisme était en effet incapable d’expliquer le développement humain, dont le langage, ou encore la créativité. Comment faire une découverte, inventer un objet, une compétence ou un comportement si on procède exclusivement par imitation, si on est déterminé à reproduire les schèmes dont on a été le sujet ou le témoin ? Voilà les questions que Bandura et consorts se sont posées.

La célèbre étude Bobo doll (Bandura et Ross) est donc venue prouver que les enfants étaient capables de violence.

De la même manière, Bandura a également prouvé que la performance observable (la réponse mesurable à un stimulus) n’était pas un facteur suffisant pour évaluer l’existence ou l’absence d’un apprentissage dans les modèles complexes de comportement, mais aussi qu’on pouvait agir sans récompense ni punition, sans modèle à imiter.

Pour Bandura et les socioconstructivistes ou sociocognitivistes, les gens apprennent et se construisent ensemble, ce sont des acteurs qui conservent leur libre-arbitre, se développent individuellement et singulièrement et ne sont aucunement prisonniers de mécaniques déterministes. La vie quotidienne est trop complexe pour qu’un individu puisse tout contrôler (c’est pour cela que les théories du complot sont des âneries), le conditionnement fonctionne pour des réflexes et apprentissages simples, mais il se heurte à la complexité.

Dans l’apprentissage, l’approche behavioriste a connu une performance limitée, et uniquement pour des tâches simples et dépendantes d’un contexte. Un homme n’est pas un chien de Pavlov ni un rat de Skinner, et s’il possède 98 % de gènes communs avec le singe, les 2 % restants font qu’il est un Homme, non un singe.
Le behaviorisme, qui avait déjà montré ses limites dans tous les domaines (comment élever un enfant, comment apprendre, etc.) revient en force.

La réforme des collèges (et bientôt des lycées), en introduisant l’approche par compétences n’est que l’avatar du CBT (Competency-Based Training) inspiré par le behaviorisme : on décrit précisément l’activité, observable, on la divise en éléments et fonctions simples, on donne beaucoup d’exercices pour maîtriser les éléments simples, les cours sont limités au minimum, on explique au minimum, il faut essentiellement appliquer, on évalue si ces éléments simples ont été acquis ou non.

L’approche par compétences offre une grille de lecture simplissime pour que des agents zélés, formés rapidement à peu de frais comme on forme des employés dans les centres d’accueil téléphonique, n’aient qu’à appliquer sans discernement ni réflexion un programme réalisé par des autorités chargées de penser pour tous. Et c’est ce qui est en train d’arriver dans l’enseignement en France avec la réforme du collège, bientôt du lycée, et de l’Université.

On comprendra alors facilement que les agents des services sociaux suédois et norvégiens viennent évaluer les parents avec une telle grille de lecture, et cochent la case « enfant en danger » lorsque celui-ci ne cherche pas le contact visuel avec l’agent, qui en vient à juger que les parents ne sont pas compétents (lack of parenting skills) pour élever l’enfant. Ils n’effectuent pas de diagnostic différentiel et sont incapables de concevoir la complexité.

Seule la performance, c’est à dire ce qui a été réalisé dans l’univers physique à un moment précis dans un contexte précis, est observable. Ni la compétence, ni l’habileté, ni les capacités ne sont directement observables ; on les infère de la performance observable réalisée dans un contexte précis et dont on ne peut déterminer une règle générale.

On peut enfin s’interroger sur la sélection des compétences, habiletés ou capacités dont on a besoin pour exercer une activité : s’appuie-t-elle sur une définition et une connaissance précises et incontestables de l’activité à effectuer ? La réponse est plutôt affirmative lorsque la tâche est simple et qu’elle peut être étudiée par l’approche analytique, et négative lorsqu’elle est complexe, et nécessite par conséquent une approche systémique.

Que ce soit en matière d’enseignement et d’éducation ou dans les champs de toutes les activités professionnelles qui ont à approcher la complexité, le réductionnisme du modèle behavioriste de l’approche par compétences provoquera des effets que l’on regrettera. En matière de protection de l’enfant, en Suède comme en Norvège, c’est déjà le cas.

 

Pour terminer

J’espère que cette enquête sérieuse, sourcée et objective (je n’appartiens à aucun camp), aura permis de conduire le lecteur à réfléchir aux dangers potentiels que peuvent faire porter sur la Société des politiques aux bonnes intentions mais basées sur des fondements discutables.

 

1 Réponse

  1. Merci Monsieur Roulois,
    Vous avez complètement raison et je vous félicite pour ce travail rigoureux.
    J' ai vécu en Scandinavie et j' ai fait exactement les mêmes expériences.
    Vous me parlez tout droit du coeur.

    Avec mes salutations les meilleures,

    R. professeur au lycée

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