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Les Critical Thinking Skills, une faculté essentielle

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Les Critical Thinking Skills, une faculté essentielle

D’après une étude conduite en 1999 par des chercheurs de l’Université Berkeley, le monde avait produit 1,5 milliards de gigabytes d’informations, et le double en 2002, soit en seulement 3 années ! On n’ose imaginer ce qu’il en est aujourd’hui.

Cette donnée est capitale pour l’individu aussi bien que pour les Sociétés humaines et rend les critical thinking skills tout aussi essentielles.

 

Tout est information

En effet, tout est information, du tableau périodique des éléments sur lequel se basent physiciens et chimistes à l’ADN à partir duquel se forme la vie organique. L’être humain, une séquence d’informations, est lui même une unité de réception, de traitement et d’émission de l’information, ce qui s’observe jusqu’à l’échelle du neurone.

 

 

L’être humain, une “machine” à traiter les informations

Nous percevons des signaux électriques (des bits) par nos organes sensoriels, dont les sommes sont décodées par des zones spécialisées du cerveau. Ces sommes de signaux sont ensuite encore additionnés pour devenir des idées, des connaissances et des plans sous forme de mots ou d’images. Les connaissances mettent du temps à se constituer, parfois toute une vie.

Notre personnalité se constitue également à partir du traitement de l’information, comme tout ce qui constitue notre système personnel de valeurs, d’opinions et de croyances.

Et il en va de même pour les groupes d’être humains : « couples », « familles », « associations », « entreprises », « Etats », etc.

Nos connaissances, notre personnalité comme nos opinions et croyances sont dynamiques, elles mutent en fonction des relations que nous entretenons avec notre environnement et conduisent à leur tour à une mutation de notre comportement.

 

 

La prise de décision: computation, inhibition et émotion

Notre comportement observable, à l’échelle de l’individu aussi bien que du groupe, résulte d’une décision qui elle-même résulte d’un double traitement de l’information: computationnel et émotif. Ce traitement computationnel, ou calcul, se réalise sur la base d’une équation qui réunit les données mémorisées et les données nouvellement perçues. Il s’arrête lorsque le nombre minimal de conditions a été réuni. Ce nombre échappe à notre conscience. Le « cerveau fainéant » a alors pris sa décision et les zones motrices (parole, geste…) entrent en action pour appliquer la décision. Décider, c’est résoudre un dilemme, éliminer (inhiber) les solutions non retenues. Et le filtre des émotions qui agit toujours est souvent le dernier arbitre.

 

 

L’information transforme l’environnement

Ainsi chaque individu ou groupe est-il transformé par son environnement, qu’il transforme en retour par les décisions qu’il prend.

Lorsque le nombre d’informations au sein d’un environnement est assez limité, les interactions au sein de celui-ci sont également assez limitées. Cet environnement est plutôt stable.

En revanche, lorsque l’environnement est riche d’informations, les interactions au sein de celui-ci sont nombreuses et conduisent à des mutations profondes. L’environnement est alors instable. C’est la situation que nous connaissons actuellement.

L’instabilité de l’environnement informationnel s’observe jusqu’au dérèglement climatique, partiellement lié à l’activité humaine, soit au traitement de l’information qui entraîne les décisions humaines.

 

 

Les effets de l’impossibilité de traiter le volume d’informations 

Lorsque les informations parviennent à l’individu ou au groupe (association, entreprise…) en trop grand nombre, celui-ci peut n’être plus capable d’en inhiber certaines – surtout lorsqu’elles sont contradictoires-, ce qui peut provoquer une paralysie du système décisionnel. Cette paralysie est synonyme d’inadaptation, de danger, et conduit à une réaction de stress qui déclenche ensuite un comportement de fight-or-flee : on demeure paralysé, on fuit le danger ou on l’affronte. Les tentatives de contrôler l’information résultent de cette gestion du stress, mais aussi les violences envers soi ou envers autrui.

 

 

Les compétences qu’il est indispensable de maîtriser au XXIè siècle

La gestion de l’information n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui, voilà pourquoi l’OCDE ou le Board of Education (association américaine de professeurs) ont-ils défini les compétences intellectuelles majeures du 21è siècle :
– apprendre à apprendre ;
– savoir communiquer dans au moins deux langues ;
– savoir utiliser l’outil informatique ;
– savoir traiter l’information.

 

 

Le traitement de l’information, un enjeu économique majeur

Observons en effet que l’information et son traitement sont devenus intrinsèquement des enjeux économiques majeurs, comme le prouvent les florissantes entreprises du secteur de l’informatique et du numérique, dont l’écrasante majorité est née à la fin du Xxè siècle ou au début du XXIè, comme en attestent les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Toutes les lois sur la Propriété intellectuelle aussi bien que les tentatives des entreprises pour s’approprier le travail intellectuel via les brevets et autres conditions générales d’utilisation des services attestent de l’importance stratégique de l’information.

 

 

Robert Reich et le “symbol analyst”

Robert Reich fut l’un des premiers à comprendre l’enjeu majeur de l’information, d’abord dans The work of Nations puis dans Supercapitalism, qui préfigurait l’avènement d’un ordre économique basé sur l’information et la connaissance, non plus sur l’industrie, avec pour fonction majeure le « symbol analyst » et que l’on pourrait traduire par « gestionnaire de symboles », un symbole étant ici un mot, un chiffre ou une image.

Selon Robert Reich, le monde d’aujourd’hui appartient donc au « gestionnaire de symboles » qui doit obligatoirement être capable d’apprendre tout au long de sa vie, identifier les structures, communiquer, enseigner, et être créatif. Nous retrouvons alors les compétences intellectuelles majeures définies par l’OCDE.

 

 

L’inadaptation des structures éducatives

Dans le même temps, il faut constater que les structures éducatives, de la maternelle à l’enseignement supérieur en passant par la formation continue, sont organisées selon un modèle industriel adapté au monde industriel, et se trouvent en décalage avec les exigences de l’ère de l’information.

Ce décalage nécessite donc d’être compensé, et la standardisation du monde industriel céder la place à la flexibilité et personnalisation de l’ère de l’information.

 

 

L’inadaptation de la Presse

Ce même décalage s’observe aussi dans l’écosystème de la presse, avec l’émergence de modèles alternatifs comme les journaux  citoyens (ou simili-citoyens) en ligne, les blogs, les applications sur tablettes qui permettent de sélectionner les informations, etc. Bref, sans le filtre des organes traditionnels de presse, on assiste à une libéralisation, une diversité et une augmentation considérable du volume d’informations, avec plus ou moins de bonheur sur leur qualité, pertinence, et véracité.

 

 

Le management dans les entreprises face à deux modèles du traitement de l’information

Ce décalage s’observe encore dans l’écosystème de l’entreprise avec des modèles verticaux de management, tentatives de contrôler l’information, qui cèdent ici et là à des modèles davantage horizontaux, tentatives d’accompagner la diversité de l’information.

 

 

La maîtrise de l’information a toujours octroyé un avantage majeur

Il est tentant de croire avec certains économistes que l’information est aujourd’hui une nouvelle matière première et qui en est familier dispose d’un avantage majeur sur ses partenaires ou adversaires. En réalité, la maîtrise de l’information (perception, compréhension, gestion, transmission) a toujours été primordiale. Il en va ainsi du chasseur-cueilleur qui savait où trouver sa nourriture au commerçant qui achetait ici un produit pour le revendre là avec une marge, en passant par l’instituteur qui avait une place privilégiée dans la société. Une place qu’il a justement perdue en raison de sa mise en concurrence avec d’autres sources d’information et de transformation de l’information.

 

 

Il existe plusieurs vérités, et même les sciences sont confrontées à ce phénomène

L’information ou la connaissance qui découle de son traitement ne sont pas des phénomènes stables et séquentiels, mais dynamiques et parallèles où plusieurs vérités peuvent coexister, comme on le voit dans les relations entre physique classique et physique quantique ou en sciences cognitives dans les relations entre le sujet connaissant et l’objet à connaître. On pourra également se reporter aux différentes expérimentations et études menées sur les faux souvenirs, comme la célèbre expérience de Roediger-McDermott que vous pourrez aisément reproduire. Dans cette expérience, on vous demande d’énoncer oralement à raison d’1 mot par seconde, une liste de 15 mots dans un champ thématique, et vous constaterez que 40 à 60 % des personnes testées auront noté un mot absent de la liste, mais suggéré par elle. Ainsi, avec la série beurre – nourriture – manger – sandwich – seigle – confiture – lait – farine – gelée – pâte – croûte – morceau – vin – miche – toast, le mot pain est souvent écrit par l’échantillon de population testée. Il est bon de savoir que des travaux récents en psychologie ont démontré qu’il est possible d’implanter sciemment des faux souvenirs dans l’esprit d’un sujet, donc de fausses informations.

 

 

Le contrôle de l’information, un enjeu politique majeur

Mais l’information constitue également un enjeu politique essentiel et son contrôle peut dévoyer la démocratie pour orienter la Société d’une manière qui ne lui serait pas forcément bénéfique. Si les médias mainstream filtrent l’information dans un sens et pour des objectifs que l’on peut questionner, ces filtres sont quasi-inexistants dans le monde de l’Internet si bien que l’individu peut rapidement être séduit par des techniques de manipulation qui font paraître des propos pour logiques et vrais alors qu’ils ne le sont pas.

 

 

Les Critical Thinking Skills, un outil essentiel pour traiter l’information

Le volume d’informations échangées (mémétique* et viralité, découvertes techniques et scientifiques, flux de capitaux, etc.) crée une situation d’instabilité permanente qui exige des individus des facultés critiques d’interprétation, de flexibilité et d’adaptation. Les réponses habituelles aux problèmes rencontrés ne fonctionnent plus, et peut-être que les nouvelles réponses ne fonctionneront pas longtemps. Corollairement, ces informations toujours plus nombreuses, et souvent contradictoires, peuvent aisément conduire à susciter de nombreux dilemmes de nature à paralyser la prise de décisions. Comment sélectionner, interpréter, assimiler et utiliser les informations pertinentes ? Comment distinguer ce qui relève des faits ou des croyances, de la mémoire ou du raisonnement, de ses propres analyses ou de celles qui nous sont imposées ? Comment demeurer critique face aux experts qui se trompent souvent ?

La réponse se trouve dans les critical thinking skills, et nous verrons dans un prochain article quelques situations, activités et professions où le recours aux Critical Thinking Skills est fondamental.

 

*Pour la mémétique, commencer par lire Richard Dawkins, et en priorité Virus of the Mind

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