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Une brève histoire des sciences de l’apprentissage -1

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Une brève histoire des sciences de l’apprentissage -1

Discipline émergente d’origine américaine, la neuropédagogie puise pourtant ses racines dans une longue histoire. C’est ce que nous rappelle avec un rare esprit de synthèse le Docteur Tracy Tokuhama-Espinosa dans son livre remarquable Mind, Brain, and Education Science: A comprehensive guide to the new brain-based teaching (W.W. Norton), un livre basé sur plus de 4,500 études, avec les contributions des leaders mondiaux en neuropédagogie (en anglais : Mind, Brain and Education Science).

 

Le docteur Tokuhama-Espinosa est directrice de l’IDEA (Institution de l’Enseignement et de l’Apprentissage) et professeur d’éducation et de neuropsychologie à l’université de San Francisco à Quito, Équateur, également auteur de plusieurs livres sur la neuroéducation.

 

Je la remercie vivement de m’avoir autorisé à traduire une partie de son livre et à le mettre à votre disposition . J’espère que cet extrait vous donnera envie d’approfondir le sujet en acquérant ses ouvrages. Vous trouverez la seconde partie de “Une brève histoire des sciences de l’apprentissage” ici.

Dr. Tracey Tokuhama-Espinosa, Ph.D

” Connaître l’origine de quelque chose est souvent la meilleure manière de connaître son fonctionnement.” -Terrence Deacon, The Symbolic Species: The Co-Evolution of Language and the Brain (1997, p. 23)

Cela fait des centaines d’années que les enseignants se sont posés certaines questions. Qu’est-il important de connaître ? Qui est prêt à enseigner ? À qui doit-on enseigner et commentprocéder ? On peut trouver des éléments de réponse à travers l’Histoire, ils nous conduisent invariablement aux concepts clés qui constituent les pierres angulaires de la nouvelle science de l’enseignement et l’apprentissage.

 

 

Des Égyptiens aux Grecs aux années 1100 : les racines de l’éducation formelle

Les êtres humains sont une espèce complexe, et les traces de nombreux aspects de notre histoire commune ne sont pas si bien connues. L’apparition de l’écriture autour de 3500 avant Jésus-Christ a permis de fixer ces traces et s’affranchir des problèmes que peut poser la transmission orale en ce qui concerne la fidélité du message. Certaines des premières traces écrites ont montré que l’éducation formelle était enseignée en Égypte vers 3000 à 500 avant Jésus-Christ à travers des compétences basiques en communication, langage, échanges douaniers, agriculture et pratiques religieuses. La première bibliothèque connue, à Babylone, a été bâtie par Assurbanipal, souverain de l’empire néo-assyrien (685-627 avant Jésus-Christ). Les ouvrages de cette bibliothèque ont montré des avancées en mathématiques, lecture et écriture aussi bien que la pratique ordinaire de la guerre et de la chasse.

 

Sous la dynastie Zhou (551-479 avant Jésus-Christ), Confucius, le célèbre philosophe Chinois, a grandement influencé le cursus scolaire pour se focaliser sur l’éducation formelle et façonner les valeurs éducatives qui perdurent encore aujourd’hui. Bien qu’il soit davantage connu pour l’enseignement de la spiritualité et de la morale, la focalisation de Confucius sur les valeurs personnelles a déterminé ce qui était important à enseigner aussi bien que sur une méthode d’enseignement selon les standards de l’éducation formelle. Par exemple le contrôle de soi et le respect ont été reconnus comme des aspects du développement de la pensée logique. De plus, Confucius a peut-être été l’un des premiers à prôner l’instruction différenciée : « enseigne selon les capacités de l’élève » (comme cité dans Chin, 2007, p. 1). Cela signifie qu’il y a 2500 ans Confucius connaissait la valeur de l’instruction différenciée, pour l’individu aussi bien que pour la société.

 

Les Grecs ont modifié le contenu de l’éducation formelle en cherchant à établir un équilibre entre les compétences utilitaires et une activité plus noble, la réflexion sur les origines de la pensée. Hippocrate (vers 460 à 370 avant Jésus-Christ), Socrate (vers 400 à 399 avant Jésus-Christ) et Aristote (vers 384 à 322 avant Jésus-Christ) se sont tous demandés ce qui gouvernait la volonté de l’homme, la motivation et l’apprentissage. Alors que depuis les Grecs les éducateurs se sont interrogés sur le moyen d’influencer les actions humaines à travers l’éducation formelle, la focalisation sur les fonctions cérébrales que l’on peut modifier pour améliorer le processus de l’enseignement et de l’apprentissage est relativement récente dans l’histoire de l’humanité. Selon le théoricien du système d’éducation moderne Howard Gardner, «les philosophes grecs ont peut-être été les premiers à soulever des questions sur la nature de la matière, les êtres vivants, la connaissance, la volonté, la vérité, la beauté et la bonté. Pendant les siècles derniers cependant, la philosophie n’a cessé de céder du terrain, avec enthousiasme ou à contrecœur, à la science empirique » (Gardner, 2000, p. 1).

 

 

Du Xe au XVIIe siècle : la raison et l’apprentissage

 

À partir du Xe siècle, l’humanité a acquis une compréhension fondamentale sur la manière dont les perceptions sensorimotrices sont interprétées par le cerveau et traduites en pensée. Alhazen (ou Al-Hassan ; 965–1039 après Jésus-Christ) était peut-être l’un des plus grands physiciens de tous les temps, un produit de l’âge d’or de l’Islam appelé également Renaissance Islamique (du VIIè au XIIIe siècle). Il a contribué de manière significative à l’anatomie, l’astronomie, l’ingénierie, les mathématiques, la médecine, l’ophtalmologie, la philosophie, la physique, la psychologie et la perception visuelle ; on lui attribue la paternité de la méthode scientifique, et l’auteur Bradley Steffens (2006) l’a décrit comme étant le « premier scientifique ». Alhazen l’auteur de quelques-unes des premières idées sur la psychologie expérimentale et les illusions d’optique peut être considéré comme le Léonard de Vinci du Moyen-Orient. Alhazen a établi que l’apprentissage est généré par nos perceptions sensorielles du monde (même si c’est seulement à travers les souvenirs de cette perception et non pas seulement la perception inpraesentia). Nos sens conduisent l’information à notre mémoire et nous comparons le nouveau avec l’ancien, nous détectons les patterns et la nouveauté et construisons les nouveaux apprentissages sur les associations anciennes ; l’information nouvelle s’appuie sur les expériences passées, c’est ainsi que l’on apprend.

 

 

Du corps au cerveau apprenant

 

Les chercheurs de la Renaissance ont posé des questions philosophiques similaires aux Grecs, mais ont cherché des réponses basées sur des preuves qu’apportait le monde physique. L’interprétation du cerveau humain par l’Italien Léonard de Vinci (1508) et plus tard les dessins anatomiques du Belge André Vesale (1543) n’ont pas seulement fourni des traces visuelles précises de l’anatomie, mais ces hommes ont aussi commencé à nommer des régions spécifiques du cerveau, créant des références stables sur lesquelles s’appuyer et ont défini un vocabulaire commun et normé pour des recherches futures. De Vinci connaissait les difficultés qu’allaient rencontrer les chercheurs actuels : sans références et vocabulaires communs, il est impossible de comparer les résultats des recherches. (Voir illustration 4.1 et 4.2).

 

Illustration 4.1. Interprétation du cerveau humain par Léonard de Vinci, 1508

Source: http://www.drawingsofleonardo.org

 

 

Illustration 4.2. Représentation du cerveau humain par André Vesale, 1543

Sources: https://www.countway.harvard.edu

 

 

Source: http://www.as.miami.edu

 

Source : http://exstatic.files.wordpress.com

 

 

 

Ces scientifiques inventifs ont vécu pendant une ère passionnante en Europe. « La première moitié du XVIIe siècle a vu l’émergence de groupes scientifiques dont les membres se sont rassemblés pour promouvoir le débat et répandre la « nouvelle » philosophie, » (Becker (2006, para. 1). Ce qui incluait l’étude de l’apprentissage et du cerveau humain. En 1664, l’une des versions les plus abouties de la représentation du cerveau humain a été faite par Christopher Wren (Willis, 1664) qui a plus tard dessiné la cathédrale Saint-Paul à Londres (illustration 4.3). Il est émouvant de constater que l’exemple suprême de l’architecture humaine, le cerveau, a sollicité le concours d’un architecte de renommée mondiale pour rendre justice à sa forme.

 

Illustration 4.3. Représentation du cerveau humain par Christopher Wren’s, 1664

Source: https://eee.uci.edu

 

Le “Cogito ergo sum” (je pense, donc je suis) de René Descartes en 1637 a déclenché une réflexion nouvelle sur le rôle de l’individu et de son esprit mais aussi sur l’interprétation d’une vision du monde qui a toujours influencé les concepts occidentaux de l’éducation. Penser et ne plus seulement être a défini le but dans la vie d’un homme. Cette idée implique que maximiser le potentiel d’un individu à penser, créer et produire intellectuellement justifie l’existence de cette personne. En 1693, Some Thoughts Concerning Education (ndt: Pensées sur l’Education) de John Locke a établi le lien entre la psychologie développementale et le développement humain. Locke a appelé à une philosophie de l’éducation qui encourage une autorégulation plus profonde de la métacognition et de l’apprentissage et qui continue d’influencer la façon dont on enseigne aux apprenants et comment on observe ce qui est appris. Locke a suggéré que l’une des clés du bon enseignement était d’aider les apprenants à réfléchir davantage à leurs propres processus de pensée. Par exemple, en réfléchissant à leur manière de résoudre des problèmes, Locke pensait que les apprenants deviendraient de meilleurs penseurs. Ce processus de réflexion, pierre angulaire de la pensée critique est la base d’une éducation moderne de qualité.

 

 

Le XVIIIe et le XIXe siècle : généralisation de l’éducation formelle

 

L’éducation formelle se pratiquait au sein d’institutions religieuses, à l’exception du monde islamique qui, dès le Xe siècle, possédait des institutions académiques distinctes. Dans la majeure partie du monde, églises et temples ont donc été les premières salles de classe, fréquentées seulement par les élites, à quelques exceptions. Les écoles catholiques ont été les premières institutions d’éducation formelle en Norvège vers 1152 par exemple et le concile de Latran III (1179) a rendu obligatoire l’éducation gratuite pour les pauvres en Angleterre, bien que les classes servaient initialement à la lecture d’ouvrages religieux. Ce n’est pas avant 1500 cependant que l’instruction s’est répandue, certaines écoles religieuses ont été reconverties en écoles où l’on enseignait la grammaire latine (comme en Norvège et au Danemark), et chaque bourg devait avoir son école.

 

Le début des années 1600 connut une tendance à l’universalisation et à la démocratisation de l’éducation avec cependant plusieurs exceptions. Pendant tout le XVIIe siècle, les temples bouddhistes zen ont servi de structures éducatives au Japon. De même, dans l’Inde du XVIIIe siècle, écoles et temples formaient un lieu unique. Des cours de lecture, écriture, arithmétique, théologie, droit, astronomie, métaphysique, éthique, sciences médicales et religion ont été enseignés aux apprenants de toute classe dans ces institutions. La plupart des institutions éducatives aux États-Unis ont été fondées entre 1640 et 1750 par des hommes d’Eglise. Cependant, au début des années 1600 de nombreuses institutions religieuses ont permis une éducation formelle non confessionnelle à travers le monde.

 

En 1633 le parlement d’Écosse a approuvé une taxe pour financer l’éducation publique. De l’autre côté de l’Atlantique à la fin des années 1700, Thomas Paine a promu l’idée d’une éducation publique gratuite bien qu’il ait fallu attendre 1837 pour qu’Horace Mann réussisse à créer une taxe pour soutenir les écoles publiques aux États-Unis. Dans les années 1880 l’éducation publique est devenue la norme en France et l’école devint obligatoire au Japon en 1890. C’est en 1919 que l’éducation libre et obligatoire devint le standard dans la Russie impériale. Depuis 1950, l’éducation obligatoire a été portée à neuf ans en Chine. L’Amérique latine a commencé les réformes dans les années 60 pour que l’on suive entre six et neuf ans d’instruction basique. En Afrique, en 2009, moins de 60 % des élèves étaient inscrits dans un cursus d’instruction formelle bien que les communautés locales reconnaissent de plus en plus sa valeur, et de nombreux pays se sont engagés dans les « Objectifs du Millénaire pour le développement » pour l’éducation qui fixe comme objectif minimal d’aller au terme de la formation à l’école primaire.

 

Dans ce contexte, il est facile de constater que la pédagogie, ou art de l’enseignement, a une histoire relativement récente. Le concept de l’instruction formelle et les besoins modernes qui sont apparus avec la diversité des apprenants sont extraordinaires. Alors qu’il y a à peine une centaine d’années seuls quelques membres de notre famille étaient lettrés, aller à l’école est aujourd’hui la norme pour tous les apprenants quel que soit le niveau socio-économique et l’origine culturelle. Pour mesurer la complexité du cadre, on peut s’aventurer à annoncer qu’une plus grande variété de potentiels d’apprentissage (de cerveaux) a également intégré les classes actuelles. Quand l’éducation est devenue la norme, les écoles n’ont plus été fréquentées uniquement par une élite d’apprenants riches dévots et obéissants comme au Moyen Âge, elles sont aujourd’hui fréquentées par des apprenants simplement « normaux » et même par des apprenants aux besoins spécifiques qui n’auraient jamais été à l’école il y a une centaine d’années. La généralisation de l’instruction s’est accompagnée de découvertes en neurosciences qui ont donné naissance à de nouvelles croyances sur le processus d’apprentissage qui ont largement impacté les salles de classe.

 

 

Localisationnisme

 

Le localisationnisme est la croyance qu’une compétence X est localisée dans la partie Y du cerveau. Cette idée provient des premières études, surtout dans les années 1700-1800, qui ont révélé une association entre certaines parties du cerveau et certaines fonctions, comme le langage et l’hémisphère gauche. Le localisationnisme implique que si pour une certaine raison X est endommagé, alors Y est perdu pour toujours. Nous savons aujourd’hui que cela n’est pas nécessairement vrai. Cependant au XIXe siècle on s’est attaché à déchiffrer la carte des fonctions cérébrales ; on a trouvé des patterns et on en a déduit des généralisations sur le cerveau. Cela eut de bonnes conséquences mais d’autres plus discutables.

 

Les XVIIIe et XIXe siècles ont été par exemple rongés par des convictions fausses sur le cerveau. Cela inclut par exemple la phrénologie où l’on mesurait les bosses et les anfractuosités du crâne pour déterminer la personnalité et le potentiel de réussite académique. Quand on a découvert que les parties externes de la tête ne reflétaient pas l’intellect, les neurosciences se sont tournées vers les mécanismes internes du cerveau. Dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle ont émergé des découvertes significatives et hautement crédibles sur le fonctionnement du cerveau.

 

Les découvertes à propos de certaines fonctions spécifiques, comme le langage par Paul Broca (1862) et Carl Wernicke (1874), un recensement général des zones du cerveau par Korbinian Brodmann (1909) et les découvertes à propos du rôle des synapses ou liens entre neurones dans le cerveau par Santiago Ramón y Cajal (1911) ont généré un enthousiasme nouveau et durable pour le champ des neurosciences. Broca et Wernicke ont établi que la majorité des gens (90 % des droitiers et 70 % des gauchers) ont une zone principale dans le lobe frontal gauche (Broca) et une autre aire principale dans le lobe pariétal gauche (Wernicke) pour traiter le langage (illustration 4.4). Brodmann a cartographié les voies primaires visuelles motrices et auditives dans le cerveau (illustration 4.5). Ramón y Cajal, contemporain de Brodmann, a influencé durablement les neurosciences en montrant que le neurone était l’unité structurelle et fonctionnelle basique du cerveau. Chacune de ces découvertes a contribué à établir de nouvelles définitions de la nature physique du cerveau et de l’apprentissage. Le virage du XIXe siècle a engendré un flot de nouvelles théories scientifiques sur l’apprentissage qui inclut le fameux débat sur la «nature contre la culture».

 

Illustration 4.4 Aires de Broca et de Wernicke

Source: Bramwell for Tokuhama-Espinosa

 

 

Illustration 4.5 Aires de Brodmann

Source: Bramwell for Tokuhama-Espinosa.

 

 

La biologie de l’apprentissage et le débat sur la nature contre la culture

 

Alors que l’instruction formelle commençait à se généraliser dans le monde à la fin des années 1800, Francis Galton, le père de l’eugénisme (1869), a initié un débat conflictuel sur l’influence de la nature ou de la culture sur l’apprentissage et l’intelligence. Sommes-nous (intelligence, personnalité…) tributaires des gènes que nous avons reçus de nos parents ou de la façon dont nous avons été élevés ? Cette question qui est à l’origine de nombreuses décisions politiques dans le domaine de l’éducation continue aujourd’hui de faire débat. Les écoles sont-elles obligées d’accueillir tous les enfants, qu’ils soient intelligents ou médiocres (parce que ce n’est pas leur faute, c’est génétique ; ou parce qu’on a le devoir moral de le faire), et par conséquent il faut investir des ressources dans l’éducation spécialisée et dans des programmes pour appréhender toutes les différences (de l’apprenant déficient à l’apprenant extraordinaire) ? Galton a contribué à attirer l’attention sur le rôle de la biologie dans l’apprentissage, un rôle qui demeure une partie majeure dans la science MBE (ndt: Mind, Brain and Education = neuropédagogie et neurodidactique).

 

À la fin des années 1800, Marc Baldwin a popularisé la psychologie évolutionniste et la sociobiologie à travers une théorie qui est connue aujourd’hui sous le nom d’Effet Baldwin, un mécanisme de sélection spécifique sur les capacités d’apprentissage (Baldwin, 1896). Fondamentalement, l’effet Baldwin postule que lorsqu’un apprentissage est bénéfique à la survie de l’espèce, alors il s’inscrit dans les gènes et sera ensuite transmis aux générations futures. Cette théorie a une profonde influence sur la croyance que la biologie et l’expérience ont mutuellement une influence sur les résultats de l’apprentissage. Par exemple, dans son excellent livre Proust and the Squid (Ndt: Proust et le Calamar ; en anglais uniquement), Maryanne Wolf (2007) illustre combien la lecture a changé le cerveau humain à travers un processus évolutionnaire critique, un concept conforté par Stanislas Dehaene (2009) avec sa théorie du recyclage neuronal, soit la réutilisation des aires du cerveau anciennement présentes pour remplir de nouveaux besoins (comme la lecture dont on a eu besoin il y a environ 5000 ans). Le début des années 1900 a connu un flot de théories pour connecter le comportement à la biologie, par exemple dans des études sur l’émotion et la psychologie développementale.

 

 

Les années 1900–1950: Les neurones qui s’allument ensemble renforcent leurs connexions (Neurons That Fire Together, Wire Together)

 

Donald Hebb a établi une connexion audacieuse entre les sciences du cerveau et l’apprentissage à travers son livre révolutionnaire The Organization of Behavior (1949). Dans ce livre, Hebb a démontré en quoi l’organisation du cerveau a un rapport avec le comportement et à posé la loi aujourd’hui célèbre sur la synapse hebbienne, fondamentale pour les neurosciences modernes : des neurones qui s’allument ensemble renforcent leurs connexions (Neurons that fire together, wire together). Cette découverte explique en des termes biologiques ce dont les psychologues ont témoigné depuis des décennies en matière de comportement. Dans le conditionnement classique, l’apprentissage associatif se produit lorsqu’un stimulus neutre est associé avec un stimulus conditionné, un concept qui a d’abord été démontré par Ivan Pavlov (qui a obtenu le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1904 pour son travail sur le système digestif) lorsqu’il a découvert les principes basiques du conditionnement par le simple fait de nourrir ses chiens : comme à son habitude, il a appelé ses chiens à l’aide d’une sonnette pour indiquer l’heure du repas ; il a réalisé que peu après les premiers coups de sonnette les chiens commençaient à saliver en l’absence de nourriture. En termes hebbiens, on explique cela par le fait que le stimulus de la sonnette et la distribution de nourriture ont conduit des neurones à s’allumer ensemble, et établir un lien entre sonnette et nourriture. Actuellement, le concept de la synapse hebbienne est fondamental pour notre compréhension globale de la plasticité et de l’apprentissage.

 

Le concept de la synapse hebbienne explique aussi les angoisses relatives à l’apprentissage. Par exemple, si un apprenant éprouve une émotion négative envers un enseignant, de mathématiques par exemple, il éprouvera par la suite une anxiété envers les mathématiques, indépendamment du prochain professeur, en raison de la connexion entre l’expérience négative et la discipline à apprendre. Bien que certains enseignants aient commencé à expérimenter certains de ces concepts basés sur des modèles psychologiques, leurs connaissances étendues et l’emploi du concept de la synapse hebbienne sont absents de la plupart des programmes de formation des professeurs. Cependant, d’autres théories psychologiques du développement cognitif ont rencontré plus de succès dans les classes.

 

 

Les étapes du développement cognitif

 

Contemporain de Hebb, Jean Piaget a également apporté des contributions à la conceptualisation d’une nouvelle science de l’enseignement et de l’apprentissage. Piaget était l’un des psychologues du développement les plus réputés des années 1900 et est toujours reconnu comme l’un des contributeurs majeurs de cette discipline. Piaget était « à l’origine formé dans les domaines de la biologie de la philosophie et se considérait comme « un épistémologue » de la génétique ». Durant sa carrière, Piaget a basé son travail sur les liens entre la biologie et l’éducation. Les recherches de Piaget ont contribué à définir quatre étapes du développement cognitif (sensorimoteur, préopératoire, opérations concrètes, et opérations formelles) et à reconnaître les différences individuelles dans l’accession à ces étapes importantes.

 

Pour comprendre les contributions de Piaget, il est important de saisir sa façon de concevoir le développement humain. Piaget percevait le développement humain comme un continuum avec plusieurs divisions dans chaque étape. La première des quatre étapes du développement, l’étape sensorimotrice (de la naissance à 2 ans), comprend six divisions : (1) les réflexes simples ; (2) les premières habitudes et les réactions circulaires primaires ; (3) les réactions circulaires secondaires ; (4) la coordination des réactions circulaires secondaires ; (5) les réactions circulaires tertiaires, nouveauté et curiosité ; et (6) l’internalisation des procédés. Les description et division méticuleuses de chacune de ces étapes peuvent-être aujourd’hui corrélées avec des changements spécifiques dans le système nerveux et particulièrement dans le développement du cerveau.

 

Dans la seconde étape du développement cognitif, Piaget relate deux divisions : l’émergence d’une fonction symbolique (de 2 à 4 ans environ) et la pensée intuitive (de 4 à 7 ans environ). Il est plus difficile de corréler ces étapes avec les découvertes neuroscientifiques, mais il existe des preuves de plus en plus nombreuses de l’existence d’une pensée complexe liée à la maturation de certaines aires du cerveau (les mécanismes du prosencéphale) qui connaissent une croissance importante pendant ces années. Dans la troisième étape de Piaget (le stade de l’opération concrète), il y a plusieurs processus, mais pas de sous étapes. La complexité de la pensée et du développement humains deviennent évidentes dans cette étape, et jusqu’à aujourd’hui, plusieurs neuroscientifiques ont éprouvé des problèmes à saisir les implications de cette division. Ces processus incluent :

 

  • la sériation, ou la capacité à classer les objets dans un ordre selon leur taille, leur forme ou n’importe quelle autre caractéristique ;
  • la transitivité, ou la capacité à reconnaître les relations logiques ou les relations relatives entre deux objets ;
  • la classification, ou la capacité à nommer et identifier des séries d’objets sur la base de leurs différentes caractéristiques ;
  • la décentration, dans laquelle l’enfant aborde le problème selon différents angles afin de trouver la bonne solution ;
  • la réversibilité, dans laquelle l’enfant qui mature vient à comprendre que les nombres et les objets peuvent être modifiés et retourner à leur état original ;
  • la conservation, dans laquelle l’enfant saisit l’idée que la quantité, la longueur, ou le nombre d’items est sans rapport avec la disposition ou l’apparence de l’objet ou des items (comme lorsqu’on verse de l’eau d’une tasse petite et large dans un verre grand et étroit) ; et,
  • l’élimination de l’égocentrisme et la possibilité de devenir empathique (c’est-à-dire la capacité à voir le monde selon la perspective d’autrui).

 

La beauté de l’oeuvre de Piaget provient de ce que l’on sait que tous ces processus, qu’un enfant développe normalement avant ses 12 ans, sont associés à différentes activités mentales que l’on peut effectivement isoler dans le cerveau humain. Cela dit, les systèmes nécessaires à la sériation, la transitivité, la classification, etc., sont tous des circuits neuronaux différents (qui s’imbriquent parfois) dans le cerveau. Cela signifie qu’ils constituent un défi individuel aux apprenants en fonction de leur développement

 

Le quatrième stade de la conception piagétienne du développement cognitif est appelé le stade de l’opération formelle. Cette étape se produit normalement lorsque l’enfant entre dans l’adolescence (environ 13 ans) et commence à penser plus abstraitement ; elle est liée à sa capacité à raisonner logiquement et à développer des hypothèses sur la base d’informations existantes. Piaget a noté que la capacité de résolution de problèmes verbaux d’un adolescent égalait la qualité de la logique de sa pensée à cette étape (et s’oppose aux étapes précédentes basées sur la méthode de l’essai erreur). Dans cette étape des opérations formelles, les humains commencent à employer de façon plus constante le raisonnement hypothético-déductif et à systématiquement déduire ou conclure et à s’abstraire des estimations hasardeuses. Par exemple, Piaget a suggéré que de nombreux « premiers amours » arrivent à l’adolescence précoce principalement parce que les adolescents sont maintenant capables de mesurer les possibilités au-delà du moment présentement vécu. Le stade des opérations formelles commence à l’adolescence, ce qui explique la fascination des adolescents non seulement pour leurs origines, mais aussi pour ce qu’ils peuvent devenir dans le futur. Dans les années 1960, Piaget était plus proche de la réalité du cerveau de l’adolescent que bien des théories actuelles (qui suggèrent que le comportement inconstant des adolescents est dû à une modification hormonale).

 

La théorie des étapes du développement cognitif aussi bien que la variation individuelle qui éprouve chaque apprenant au sein de ces étapes sont les éléments fondamentaux de la science moderne du MBE (neuropédagogie) (schéma 4. 6). Les observations appropriées de Piaget lui ont permis d’avoir une vision sur la façon dont les comportements développementaux observables sont liés aux modifications auxquelles le cerveau est sujet avec le temps. Bien que les expériences de Piaget fussent basées sur des comportements observables, cette théorie, comme celle de Freud présumaient des modifications physiques analogues dans le cerveau qui reflétaient ces changements.

 

Figure 4.6 Les stades du développement de Piaget

Source: Bramwell for Tokuhama-Espinosa

 

 

Psychologie socio-historique et développement de l’enfant

 

Un autre contributeur majeur à la MBE était Lev Vygotsky dont les idées nouvelles sur le développement cognitif et les concepts d’apprentissage (e.g. La zone proximale de développement: au sein d’un groupe il y aura toujours quelqu’un qui en sait un petit peu plus que les autres et à travers l’échafaudage d’une structure d’enseignement-apprentissage les apprenants enseigneront les uns aux autres) étaient fondamentaux dans la formation de la pédagogie moderne aussi bien que les théories afférentes sur le développement de l’enfant. Deux des contributions fondamentales de Vygostky, toujours débattues aujourd’hui, la médiation culturelle et l’internalisation, soit la « voix intérieure » d’un individu (Vygotsky, 1934). La médiation culturelle conduit à se demander s’il y a des « invariants universels» relativement à l’apprentissage humain, ou si tout apprentissage est filtré à travers la culture d’un individu (et par conséquent unique à chacun). Le concept de voix intérieure de Vygotsky conduit à se demander si penser est basé sur les mots que l’on connaît, autrement dit peut-on penser sans mots ? Ces deux idées sont toujours débattues dans les théories modernes de l’éducation. Le travail de Vygotsky a été traduit par Vasili Davidov dans des programmes pour des enfants en âge d’aller à l’école, et le travail de ce dernier a également influencé la discipline émergente relativement à ses contributions sur les attributs sociaux et l’apprentissage.

 

L’un des disciples de Vygotsky, Alexander Luria (1924), a fait une percée dans ses écrits au sujet de la «psychologie historico-culturelle» et ses influences sur la pensée. Alors qu’elle était considérée comme une sous discipline temporaire de la psychologie, le cadre conceptuel inventé par ces premiers leaders de la pensée a établi les fondations pour comprendre comment la culture, spécialement par le biais du langage, a influencé le processus de la pensée. La seconde importante contribution de Luria était la documentation sur The Mind of a Mnemonist: A Little Book about a Vast Memory (Luria, 1968), qui était un catalyseur pour un grand nombre d’études sur le système humain de mémorisation et les questions sur la manière dont la mémoire impacte l’apprentissage. Le travail de Luria était important parce qu’en documentant la « malédiction d’une mémoire synesthésique parfaite» il a été capable de démontrer qu’il y a plusieurs systèmes de mémoire dans le cerveau, pas seulement une entité appelée « mémoire ». Dans son travail, Luria rapporte le cas d’un homme qui n’oubliait jamais rien, ce qui provoquait de terribles difficultés dans sa vie, comme l’association inévitable de concepts sans qu’il y ait forcément de lien entre eux, ce qui l’empêchait d’avoir des échanges «normaux» avec son entourage. La documentation de Luria sur la mémoire a conduit à une percée pour les enseignants qui ont commencé à comprendre que l’information peut être enregistrée sous différents « formats » à travers des chemins neuronaux distincts et que la mémoire est un système vaste et multicouches, qui peut avoir différentes sortes de failles.

 

L’une des visions les plus fascinantes de la mémoire et des différents systèmes de mémoire est la synesthésie, ou la capacité de relier différents types d’information à différents sens (par exemple, on peut se souvenir de quelque chose de visuel à travers une odeur ou une texture ; on peut se souvenir d’un goût à travers une couleur ou un son). Les découvertes issues de certaines études qui ont été déclenchées par le travail inspiré de Luria incluent la reconnaissance que les problèmes avec la mémoire peuvent se produire durant les phases de l’encodage (mettre l’information dans le cerveau), le stockage (maintenir les connexions entre les informations encodées), ou l’extraction (être capable d’accéder et d’utiliser les souvenirs stockés dans le cerveau). D’autres études ont noté que les différents systèmes de mémoire (par exemple, à court terme contre à long terme) prennent des chemins neuronaux différents bien qu’ils se chevauchent souvent. Jérôme Bruner, l’un des plus grands psychologues cognitiviste du XXe siècle en psychologie de l’éducation, a consacré son talent et sa perspicacité à la rédaction d’un avant-propos sur le travail de Luria dans une réimpression en 1987 et a renforcé l’importance de considérer la mémoire dans tous les aspects de la vie et de l’apprentissage (Luria & Bruner, 1987). Ces contributions de la psychologie et de l’éducation ont été complétées pendant la même période par des découvertes étonnantes en neurosciences.

 

 

Des années 60 aux années 80 : des environnements enrichis ?

 

En 1958, Mark R. Rosenzweig et son équipe ont publié des résultats sur des expériences menées sur des rats qui ont ouvert un nouveau champ de discussions sur les bases neurobiologiques pour le comportement et l’influence des environnements enrichis. Sur la base des découvertes de Rosenzweig à l’université de California Berkeley, les travaux de sa collègue Marian Diamond ont examiné les différences entre le cerveau des rats (la croissance des synapses et des dendrites) basées sur une comparaison entre des environnements enrichis ou appauvris. Les travaux de Rosenzweig et Diamond ont initié un débat sur la manière dont des environnements enrichis en apprentissage pourraient augmenter la croissance des neurones chez l’être humain et le débat subséquent si la croissance des synapses signifie un meilleur apprentissage (voir figure 4. 7). Les auteurs de ces études originales pensent maintenant que les environnements enrichis du laboratoire sont aujourd’hui considérés davantage comme des environnements « normaux » pour le rat (par exemple, les égouts), ce qui ne prouve pas que les environnements enrichis soient meilleurs, mais plutôt que les environnements pauvres sont pires que les environnements normaux. Malgré cette nouvelle connaissance, il existe une industrie florissante dédiée à l’entraînement des parents et des enseignants pour fabriquer des environnements « enrichis ».

 

Figure 4.7. Environnements enrichis chez des rats et croissants synaptiques

Source: Barbro B. Johansson and Pavel V. Belichenko (2001) Environmental Enrichment on Intact and Postischemic Rat Brain

 

 

Enrichissement environnemental sur un cerveau de rat intact et post-ischémique

 

À partir des travaux de Diamond, William Greenough a à son tour exploré en quoi l’expérience affecte le développement et la maturation du cerveau. Greenough a compris que la plasticité, notion ordinairement connue aujourd’hui dans la discipline, mais nouvelle il y a une douzaine d’années, était la capacité du cerveau à modifier et construire de nouvelles synapses par l’expérience. Nous savons que « les synapses se forment quand les animaux apprennent ; les synapses ne se forment pas comme activité neuronale relative à l’absence d’apprentissage » ; par conséquent, une plus grande activité synaptique est un indice d’apprentissage. Son travail actuel se focalise sur « les mécanismes cellulaires qui impliquent l’apprentissage et la mémoire et les autres processus cérébraux de stockage de l’information » qui utilise sa connaissance sur la façon dont fonctionne la plasticité.

 

Le débat sur ce qui constitue un « environnement enrichi » se poursuit aujourd’hui et s’accompagne de vibrants échanges pour savoir si les bébés et les enfants devraient ou ne devraient pas être envoyés tôt dans des classes de stimulation. Comme Greenough et d’autres l’ont montré, alors qu’il n’y a aucun doute que les environnements enrichis modifient le cerveau et que se produisent de nouveaux apprentissages, la discussion principale sur l’enrichissement tourne sur la définition du terme : ce qui peut constituer un enrichissement pour une personne (ou un rat) peut ne pas l’être pour une autre personne. Je parle de l’enrichissement dans les chapitres suivants ; ce qui est important à noter ici c’est que l’enthousiasme pour cette discipline émergente à la fin des années 60 a conduit à un certain nombre d’initiatives académiques.

 

 

L’étape de la science Pré-MBE

 

Le programme de doctorat de la faculté de Dartmouth (ndt: université américaine membre de l’Ivy League) en psychologie et science du cerveau a commencé en 1968 et le diplôme de Dartmouth en neurosciences de l’éducation, fondé en 1990, est aussi l’un des plus anciens du pays. Le programme de Dartmouth continue de croître aujourd’hui à mesure que de plus en plus de candidats cherchent des programmes académiques qui font la promotion des principes de la science MBE. Les programmes de Licence aussi bien que les programmes de niveau supérieur ont réuni les bases de connaissance de la psychologie et des neurosciences et par la suite de l’éducation avant que les autres établissements ne reconnaissent la nature véritablement complémentaire de ces disciplines. Dartmouth était un pionnier ; la plupart des autres programmes n’ont pas formellement commencé avant le début des années 2000.

 

C’est à partir des années 1970 qu’un certain nombre de chercheurs ont commencé à établir explicitement des liens entre le fonctionnement du cerveau, l’apprentissage et l’éducation. Michael Posner, l’auteur de plus de 280 livres et articles sur l’attention à la mémoire, a écrit ses premiers ouvrages au début des années 70. Posner a été l’un des contributeurs majeurs à l’évolution continuelle de la discipline des sciences MBE, et son travail le plus récent a été fondamental pour établir des ponts entre la psychologie et les neurosciences pour les appliquer à l’éducation. Le travail à Dartmouth par des gens comme Michael Posner dans les années 70 vient principalement de la neuropsychologie développementale et peut-être appelée une « étape pre-MBE ».

 

Entre 1973 et 1979 il y a eu un gain d’intérêt pour définir et promouvoir la neuropsychologie de l’éducation, un autre précurseur de la science MBE. La discipline de la neuropsychologie de l’éducation cherche à réunir l’éducation, les neurosciences et la psychologie, mais à l’inverse de la science MBE, elle met l’accent sur l’étude de l’apprentissage plutôt que de l’enseignement. Pour les enseignants, la neuropsychologie de l’éducation a été un bond en avant pour fusionner les objectifs ordinaires de l’éducation avec ceux de la psychologie développementale en contexte scolaire, mais ne servent pas complètement les besoins des enseignants (comment mieux enseigner). La neuropsychologie de l’éducation était une amélioration par rapport à la psychologie développementale parce que les études neuroscientifiques y ont une part plus importante. Le manque de support neuroscientifique pour certaines des études en psychologie développementale à signifié que de nombreuses études ont porté sur « l’esprit » plutôt que sur le « cerveau » et certains ont douté de son application à l’enseignement. Cependant, la neuropsychologie de l’éducation cède aujourd’hui rapidement la place à la science MBE pour deux raisons principales. D’abord, comme on l’a dit précédemment, la science MBE étudie aussi l’enseignement, pas seulement les processus d’apprentissage, et deuxièmement en raison de la syntaxe de l’expression neuropsychologie de l’éducation, dans lesquels éducations et neurosciences sont considérées comme des champs secondaires de la psychologie – alors que dans la science MBE les trois champs sont égaux. Plusieurs études dans cette étape pre-MBE ont étudié des processus de la vie ordinaire, comme le rôle de la motivation et des émotions et en quoi cela impacte l’apprentissage.

 

Emotions et apprentissage

 

L’un des premiers liens entre les emotions et l’apprentissage a été introduit dans le contexte du langage sous la forme de l’hypothèse du filtre affectif, lequel suggère basiquement que la manière dont on se sent influence ce qu’on est capable d’apprendre. C’est-à-dire que les émotions influencent la façon dont on apprend, ce qu’on apprend et pourquoi on apprend. Aujourd’hui, cette hypothèse est corrélée par les études de neuroimagerie de l’amygdale, qui dans certains cas, montre que le stress et les états de l’émotion influencent l’apprentissage. Ce que les enseignent doivent savoir, c’est que les émotions influencent la prise de décision, et que la prise de décision est au coeur de l’apprentissage.

 

Dans les années 1960, l’éducation publique américaine connut une crise existentielle. Le livre de Myron Lieberman, Le Futur de l’Education Publique représentait les concepts généraux relatifs aux pratiques éducatives, incluant la formation des enseignants aux bases de l’apprentissage. L’association Nationale d’Education, la plus grande organisation professionnelle d’enseignants aux Etats-Unis, a commencé à s’intéresser à appliquer les découvertes en neurosciences dans les classes à la fin des années 1970. En 1978, Brain Research and Learning (Association Nationale d’Education, 1978), et les travaux de Chall et Mirsky Education and the Brain (1978) ont été tous deux publiés. Ces deux livres ont été des tentatives sérieuses et bien documentées pour intégrer les neurosciences à l’éducation et ont accompagné de nombreuses percées dans la connaissance de l’apprentissage humain. C’était le début de la popularisation de l’information sur les recherches neuroscientifiques pour les enseignants et un mariage général des neurosciences, de l’éducation et de la psychologie, et tout cela est survenu à une époque où les décideurs politiques ont commencé à se focaliser sur l’égalité des chances des étudiants. Comment peut-on servir non seulement les étudiants les plus brillants, mais aussi répondre aux besoins des étudiants en difficulté ? L’Amérique et bien d’autres pays ont commencé à réaliser qu’une chaine n’est solide que si l’est son maillon le plus faible ; l’éducation publique a eu à faire davantage pour concerner tous les membres de la société.

 

Dans les années 1970, en raison d’une coupe budgétaire, les effectifs par classe ont augmenté et seuls ont été engagés des enseignants pour les matières principales, aussi les Etats-Unis connurent-ils un surplus d’enseignants. Des effectifs par classe plus nombreux signifient moins d’attention individuelle pour les étudiants, mais cela a aussi conduit à se focaliser sur l’ensemble des difficultés attentionnelles. Les découvertes sur les neurotransmetteurs liés dans le cerveau aux mécanismes de l’attention ont conduit à l’introduction de la Ritalin en 1971, qui était supposée «aider à un traitement général des dysfonctions mineures du cerveau», qui se manifestaient sous la forme d’hyperactivité. La fin des années 1970 a témoigné de la cristallisation de nombreux concepts sur l’apprentissage relatifs à l’attention et à la mémoire, aussi bien que dans d’autres domaines. Il semble que deux des développements les plus importants sont venus de l’appel de Michael Gazzaniga de conduire les neurosciences fonctionnelles aux avant-postes de l’enseignement dans son livre de neuropsychologie: Manuel de Neurobiologie comportementale (Handbook of Behavioral Neurobiology), et l’action de Michael Posner vers l’intégration des neurosciences et de la psychologie pour le bénéfice de comprendre l’apprentissage d’une manière plus holistique. Chacun de ces deux efforts ont tenté de donner un visage plus utilitaire aux découvertes neuroscientifiques et ont amené l’information hors des laboratoires et l’ont apporté dans les classes. L’approche d’un retour aux fondamentaux dans l’éducation publique se reflétait dans l’attachement à ce qui était considéré comme important dans le laboratoire scientifique ; s’il n’y avait pas d’application pratique, alors il y avait moins de fonds pour la recherche. Les contributions de Gazzaniga et Posner à la fin des années 1970 dans l’application des découvertes scientifiques aux classes sont devenues des normes pour les recherches suivantes, et leur travail pionnier demeure important pour les chercheurs d’aujourd’hui.

 

 

Quelques institutions pionnières

 

Trois sociétés de neurosciences pionnières se sont également constituées à la fin des années 1970. En 1977, la Société des Neurosciences du Japon (Japan Neuroscience Society) a été fondée comme «une organisation académique de scientifiques qui étudient le cerveau et le système nerveux et souhaitent publier leurs découvertes dans le but de promouvoir le bien-être et la culture des humains». En 1977 aussi, le Centre pour les Neurosciences (Centre for Neuroscience: CNS) est établi comme un institut de l’université Flinders d’Adelaïde, en Australie du Sud, et a été «le premier centre multidisciplinaire en neurosciences de ce type à être établi dans une université australienne.» Les membres du CNS ont contribué à établir la Société Australienne de Neurosciences plus tard en 1979. Ces sociétés ont promu de nouvelles découvertes sur le cerveau qui étaient alimentées par une masse croissante d’informations issues des techniques d’imageries médicales. Ces institutions australo-asiatiques ont été les leaders précurseurs ; la plupart d’institutions de ce type ont émergé ailleurs à la fin des années 1990.

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Books on this topic by Tracey Tokuhama-Espinosa:

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