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Mieux apprendre en gérant son temps

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Mieux apprendre en gérant son temps

Apprendre efficacement est loin de relever uniquement des compétences cognitives. Il faut en effet considérer d’autres paramètres : la méthodologie, l’application à la pédagogie des connaissances issues des neurosciences – la neuropédagogie -, et une stratégie d’apprentissage pour organiser le tout. Après avoir appris à organiser son espace, nous allons voir dans ce cours comment organiser son temps.

 

 

1. Augmenter sa vitesse de lecture

 

L’apprenant est condamné à beaucoup lire, qu’il apprenne seul ou qu’il soit encadré. Or, augmenter sa vitesse de lecture permet de gagner un temps considérable. Elle se mesure en nombre de mots par minute.

 

Vitesse, compréhension et techniques de lecture rapide

 

La vitesse moyenne de lecture varie de 150 à 300 mots par minute, selon que l’on soit enfant, adolescent et adulte, que l’on étudie ou que l’on ait arrêté ses études. Le taux moyen de compréhension de ce qu’on lit est estimé à 60-70% environ.

La vitesse maximale de lecture, que pratiquement tout le monde peut atteindre via des exercices appropriés (ou simplement par la pratique) est estimée à 1000-1200 mots par minute. Dans ce cas, la compréhension tombe à 50% environ. Cependant, un lecteur qui aura intégré les techniques de lecture rapide (1) augmentera considérablement son taux de compréhension (70-80%) en lisant à une vitesse de 400-600 mots par minute quand sa capacité est estimée à 1000-1200 mots par minute.

 

Lire 25 000 mots par minute

 

Certaines techniques de lecture rapide telles que le photoreading, le speed reading ou le fast reading prétendent conduire un lecteur à lire 25 000 mots par minute. Aucune étude scientifique n’a validé ces prétentions qui relèvent du mythe.

 

Isolement du lecteur

 

Les Gaba ont une influence sur la vitesse et la compréhension de la lecture en ce qu’elles isolent le lecteur de son environnement, qui se trouve dès lors plus concentré.  Il faut également éviter tout mouvement autour du lecteur.

 

Expérience et pratique

 

La vitesse et la compréhension de ce qu’on lit augmentent naturellement en lisant. Comme en toute chose, c’est l’expérience qui est une source d’efficacité.

 

Gestion Mentale et évocations

 

Les différences individuelles sont conséquentes sur le plan de la vitesse de lecture. Elles sont notamment liées à la gestion des évocations. Le lecteur « visuel » très imageant (celui qui génère beaucoup d’images dans son conscient) prendra jusqu’à 30% de temps en plus qu’un lecteur « visuel » peu imageant ou un lecteur « auditif » pour lire un texte dont les indices spatiaux sont abondants et détaillés. En revanche, si l’énoncé est lu par un tiers, le lecteur « visuel » très imageant n’est plus handicapé. Certains mots ont une puissance d’évocation supérieure aux autres.

En citant L.R. Brooks, Baddeley, Lieberman, Elisabeth Grebot (2) conseille au lecteur imageant de se faire lire un énoncé riche en représentations spatiales, y compris pour le mémoriser. De l’autre côté, les enseignants devraient accorder plus de temps à ces mêmes lecteurs parce que la formation d’images succède à la compréhension.

La Gestion Mentale peut aider le lecteur à gérer ses évocations, et permettre à un « visuel » de s’ouvrir davantage aux évocations auditives. Je rappelle qu’on n’est ni visuel ni auditif ni kinesthésique (d’où l’emploi des guillemets), mais les trois à la fois. Seulement, d’une part nous avons développé des évocations dominantes pour réaliser certaines tâches; d’autre part nous gérons plus ou moins bien nos évocations. J’invite également le lecteur à consulter les cours sur les images mentales en psychologie.

 

Repérer l’organisation de l’énoncé

 

Le cerveau pourrait théoriquement dépasser les 1200 mots par minute avec une bonne compréhension de ce qu’on lit, mais cela nécessiterait une organisation différente du support de lecture. En attendant, on peut toujours repérer l’organisation des énoncés pour améliorer sa performance de lecteur. La véritable lecture rapide repose sur la perception de l’organisation des énoncés. Par conséquent, il vaut mieux suivre des cours de français que des formations en lecture rapide.

 

Le paragraphe déductif « académique » répond à peu près à la structure suivante :

  • J’expose (ce que je vais défendre, décrire ou raconter)
  • J’explique et j’explicite (pourquoi, comment)
  • J’illustre
  • Je reformule et je passe à l’idée suivante

 

Le paragraphe inductif « académique » répond à peu près à la structure suivante :

  • J’illustre
  • J’explique et j’explicite (pourquoi, comment)
  • J’expose
  • Je reformule et je passe à l’idée suivante

 

On peut aussi lire un énoncé en employant les champs lexicaux pour points d’ancrage. Un champ lexical est un ensemble de mots qui développe le thème dont il tire le titre. Par exemple, le champ lexical de la mer peut être composé des mots navire, marin, sable, voile…Etre attentif aux champs lexicaux permet ainsi d’augmenter la vitesse de lecture mais aussi de renforcer la compréhension du texte.

Etre attentif aux connecteurs logiques comme aux indices spatiaux et temporels est également vivement conseillé en ce qu’ils structurent l’énoncé.

Pour les longs énoncés (comme les manuels), il faut avant tout lire la table des matières, puis les résumés de chapitres. Cela permettra au cerveau de mieux structurer le texte, comme si on créait dans sa tête des noms de dossiers que l’on allait remplir de fichiers.

 

Je vous propose maintenant, à partir de l’incipit (le début) d’un roman de Victor Hugo : Le dernier Jour d’un Condamné (1829), de vous sensibiliser au repérage de l’organisation textuelle comme outil de lecture rapide. J’ai mis les éléments à retenir en caractère gras, soit les premiers et derniers de chaque paragraphe.

Condamné à mort !

Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !

Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, j’étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s’amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d’inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C’étaient des jeunes filles, de splendides chapes d’évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C’était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j’étais libre.

Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : condamné à mort !

Lorsqu’on emploie le début et la fin de chaque paragraphe, cela permet (souvent) de reconstituer le sens du texte comme on le remarque ci-dessous :

Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours courbé sous son poids ! Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, Je pouvais penser à ce que je voulais, j’étais libre. Maintenant je suis captif. Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : condamné à mort !

Je conseille donc de lire une première fois très rapidement le début et la fin de chaque paragraphe pour ensuite, si besoin est, s’appesantir sur le reste de l’énoncé.

 

 

2. Projet et stratégie d’apprentissage

 

« Je n’ai pas le temps », « je ne peux pas tout faire » sont des phrases couramment employées par les apprenants, qu’ils soient élèves, étudiants ou adultes en formation professionnelle. En réalité, elles traduisent essentiellement un manque d’organisation. Pourquoi ? Parce que l’organisation n’est pas enseignée. J’ai déjà évoqué dans d’autres cours la nécessité d’apprendre à apprendre. La méthodologie et la pédagogie devraient être enseignées aux apprenants pour développer leur efficacité. On leur dit d’apprendre, sans leur donner le mode d’emploi !

On n’apprend pas n’importe comment, mais en fonction d’un projet précis, détaillé et quantifiable. Il faut déterminer une fin et des moyens. « Quand on ne sait pas vers quel port naviguer, aucun vent n’est favorable » avait dit Sénèque.

L’apprenant doit donc :

  • Enoncer ce qu’il doit être capable de faire à la fin de son apprentissage, que ce soit au niveau d’un cours ou de l’ensemble de sa formation ;
  • Déterminer les moyens matériels (manuels, dictionnaires, Internet) à employer ;
  • Gérer son emploi du temps.

 

La gestion de l’emploi du temps

 

Je développe particulièrement ce point parce qu’il est primordial pour assurer le succès des élèves, étudiants et adultes en formation encadrée, et capital pour ceux qui apprennent seuls.

Dans le premier cas, le planning hebdomadaire doit indiquer les heures de cours mais également les heures sans cours. Je conseille d’écrire dans ce planning le temps de loisir que nous nous accordons, soit indiquer les dates et heures des sports à pratiquer, comme les activités culturelles, les émissions de télévision à regarder (etc.) et naturellement le travail personnel.

En réalité, il faut élaborer deux plannings hebdomadaires : l’un pour les semaines de cours, l’autre pour les semaines de vacances.

Le travail personnel doit être régulier, et il vaut mieux commencer par les leçons et exercices les plus difficiles. S’accorder une récompense symbolique à la fin d’un effort intense est une excellente idée pour associer effort et plaisir.

Les personnes qui apprennent seules sont souvent désorientées en début d’apprentissage. Elles se fixent souvent des objectifs trop ambitieux et se trouvent rapidement découragées lorsque ceux-ci ne peuvent être atteints. Je les invite donc à se fixer trois variantes : objectif bas, moyen et haut. Par exemple, apprendre 1000 mots d’anglais en 100 jours, 50 jours ou 25 jours. D’autre part, il faut commencer doucement au début d’un apprentissage et augmenter progressivement le rythme et les efforts, pour décélérer progressivement en fin de parcours. Comme lorsqu’on s’entraîne à une compétition sportive.

 

 

3. La chronobiologie

 

La neuropédagogie et la pédagogie systémique s’appuient sur la chronobiologie pour intégrer à un apprentissage efficace et performant les rythmes biologiques.

La chronobiologie est l’étude des rythmes biologiques et biopsychologiques. Il existe trois familles de rythme qui se distinguent en fonction de la longueur de leurs cycles :

  • Le rythme infradien, le plus long, qui se compte en jours ou en années ;
  • Le rythme circadien, qui dure environ 24 h ;
  • Le rythme ultradien, le plus court, qui se compte en heures, voire en secondes.

Les spécialistes en chronobiologie affirment unanimement que les rythmes scolaires (dans le primaire et le secondaire) sont antinaturels. Ils affectent particulièrement les élèves qui sont confrontés à l’angoisse parce qu’ils éprouvent une situation insécure : environnement bruyant, chômage des parents, manque d’affection, etc. Ces élèves (enfants et adolescents) sont particulièrement peu attentifs et productifs à la fin de la matinée et pendant toute l’après-midi lorsqu’ils cumulent insécurité et déficit de sommeil. Les élèves qui évoluent dans un environnement sécurisé (sur le plan affectif) sont plus épargnés.

 

Quand sommes-nous les moins disponibles pour apprendre ?

 

  • De 3 à 11 ans, l’enfant n’est pas disponible entre 8h30 et 9h30 ; entre 13h30 et 15h ; après 17h (+/- 30 minutes). Notons que l’exposition à la lumière naturelle peut modifier ces données en raison de la production de mélatonine. De même, la température joue un rôle non négligeable.
  • Les adolescents ne sont pas disponibles avant 9h-9h30 et entre 13h et 14h. Ils sont également moins disponibles après 17h (+/- 1h selon l’âge et l’individu)
  • Les adultes ne sont pas disponibles entre 13h et 14h (voire 13h-16h)

 

Quand sommes-nous les plus disponibles pour apprendre ?

 

  • De 3 à 11 ans, l’enfant est le plus disponible entre 9h30 et 11h30 (12h pour les plus âgés) et de 15h à 17h (+/- 30 minutes)
  • Les adolescents sont les plus disponibles entre 9h-9h30 et 12h et entre 14h et 17h (+/-1 h selon l’individu et l’âge)

 

Notes en bref

 

  • C’est la chute de la température corporelle qui provoque l’endormissement, pas l’inverse ;
  • L’absence de disponibilité après le déjeuner n’est pas liée à la qualité ou la quantité des aliments contrairement à l’idée reçue ;
  • Le degré de disponibilité varie fortement d’un individu à l’autre ;
  • Les chercheurs conseillent de pratiquer des activités ludiques, physiques, artistiques ou culturelles entre 16h30 et 19h
  • Des excitants comme le café permettent de palier le défaut de vigilance ;

 

Nouveauté – urgence – mouvement – humour – jeu

 

La neuropédagogie démontre qu’on peut apprendre, même lorsqu’on n’est pas disponible, à la condition que l’apprentissage prenne en compte les éléments suivants : nouveauté, urgence, mouvement, humour. Les révisions et les activités routinières sont donc à bannir pendant ces moments d’indisponibilité.

En revanche, voici quelques exemples de ce qu’on peut faire :

  • Proposer 2 à 5 minutes d’activité physique toutes les 25-30 mn ;
  • Solliciter plusieurs élèves à l’oral en les priant de se lever, ou les faire venir au tableau,
  • Proposer des travaux pratiques qui impliquent des manipulations, des déplacements, la station debout (le « learning by doing ») ;
  • Interroger les élèves (ou faire cours) sous forme de jeu, avec temps limité (pour le caractère ludique et/ou urgent) ;
  • Pratiquer des activités de groupe où prime l’interaction ;
  • Proposer des Devoirs Surveillés courts (pour l’urgence)

 

 

4. Rythme ultradien, cognition et latéralisation

 

Plusieurs études ont montré des différences de performance entre nos deux hémisphères cérébraux selon un rythme ultradien de 90 à 110 minutes environ. Cela a pu être déterminé grâce à la mesure de la circulation sanguine et de la respiration mais aussi grâce à le neuro-imagerie médicale (3)

Notre cerveau gauche (compétences séquentielles, analytiques, verbales) serait au maximum de sa performances lorsque notre cerveau droit (compétences spatiales et synthétiques) serait à son minimum, et inversement. Je rappelle encore une fois qu’on n’est ni cerveau gauche ni cerveau droit (c’est un neuromythe qui a la vie dure) mais les deux à la fois. De toutes les façons, les hémisphères communiquent en permanence, aussi le cerveau droit est-il aussi “logique” que le gauche.

En 1995, une étude menée par Gordon, Stoffer et Lee a testé les performances cognitives de sujets sur une période de 8h. Les tâches de production verbale écrite suivaient un cycle de 80 minutes quand les tâches de repérage de points dans l’espace suivaient un cycle de 96 minutes. [in Ultradian rhythms in performance on tests of specialized cognitive function/ in international Journal of neuroscience, 1995 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8869428

Le système nerveux central et le système nerveux autonome sont régulés via l’hypothalamus qui provoque la latéralisation des rythmes hémisphériques pendant les phases d’éveil et de sommeil.

Chacun des deux hémisphères peut devenir partiellement indépendant de l’autre et compléter les fonctions de chacun. Aussi cette autonomie partielle traduit-elle une spécialisation et une plus grande adaptabilité de l’organisme.

L’activité hémisphérique est liée à un cycle nasal qui dépend d’un rythme ultradien selon Werntz et collègues (1980,1983). Cela fut confirmé par plusieurs autres chercheurs par la suite.

Le souffle de la narine droite est corrélé avec une performance accrue dans les compétences verbales (ou activité de l’hémisphère gauche), et le souffle de la narine gauche est corrélé avec une performance spatiale accrue (ou activité de l’hémisphère droit). Quand l’une est à son maximum, l’autre est à son minimum.

En 1988, deux chercheurs français (Leconte et Lambert) ont fait passer des tests de mémoire toutes les 25 minutes. Ils ont conclu que les compétences sémantiques et graphiques alternaient selon un cycle d’environ 100 minutes ; quand l’une était au plus haut, l’autre était au plus bas.

 

Limites des études sur la latéralisation des performances cognitives

 

Bien que de nombreuses études tendent à prouver une différence d’efficience entre les deux hémisphères selon un cycle ultradien, il convient néanmoins de relever les limites suivantes :

  • La neuroimagerie permet d’observer essentiellement des corrélations (plusieurs phénomènes se produisent en même temps) mais est largement incapable d’établir des relations causales ;
  • L’échantillon de population testée a toujours été trop faible ;
  • On n’a pas pu observer de différences significatives de performance chez un grand nombre de sujets ;
  • Certains tests ont été passés dans des conditions qui ne permettent pas de les valider.

 

Trouver son rythme ultradien pour mieux apprendre

 

Comment déterminer quand nous sommes plus efficaces pour réussir les tâches spatiales et synthétiques et quand nous sommes plus disponibles pour les compétences verbales et séquentielles ?

Pendant une semaine, l’apprenant peut alterner toutes les 90 à 110 minutes les matières qui sollicitent l’une ou l’autre de ces compétences et noter quand il croit être performant, et quand il pense ne pas l’être. Par exemple :

  • Faire de l’arithmétique le lundi de 9h à 10h30 et de la géométrie le lundi de 10h30 à 12h
  • Faire de la géométrie le mardi de 9h à 10h30 et de l’arithmétique le mardi de 10h30 à 12h

 

Autres notes

(1) Buzan, Tony et Cohen, Larry: La Lecture rapide
Richaudeau, François : Méthode de Lecture rapide
Si on veut acheter un livre, je conseille le livre de Richaudeau, plus complet pour 8 € de plus. Mais très honnêtement, il vaut mieux prendre des cours de français ou simplement s’entraîner à lire.
(2) Grebot, Elisabeth : Images mentales et stratégies d’apprentissage, explication et critique. Les outils modernes de la gestion mentale.
(3) Shannahoff-Khalsa, David : Psychophysiological States, International Review of Neurobiology, n°80

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