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Une brève histoire des sciences de l’apprentissage – 2

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Une brève histoire des sciences de l’apprentissage – 2

Ce document, que j’ai traduit de l’anglais avec l’accord de son auteur original, le Dr Tracey Tokuhama-Espinosa,  est la seconde partie de l’histoire de la neuropédagogie. Vous trouverez la 1ère partie ici. Je la remercie vivement de permettre au lectorat francophone de bénéficier de ses travaux d’une qualité remarquable.

Egalement, je ne peux qu’encourager les anglophiles qui s’intéressent à la neuropédagogie d’acquérir les deux livres suivants :

Tokuhama-Espinosa, T. (2010). The new science of teaching and learning: Using the best of mind, brain, and education science in the classroom. New York: Columbia University Teachers College Press.

Tokuhama-Espinosa, T. (2010). Mind, Brain, and Education Science: The new brain-based learning. New York, NY: W.W: Norton.

Le docteur Tokuhama-Espinosa est Directrice d’IDEA et professeur d’éducation et de neuropsychologie à l’Université San Francisco de Quito, Équateur.

Ce qui suit est un extrait de Mind, Brain, and Education Science: A comprehensive guide to the new brain-based teaching (W.W. Norton) un livre basé sur plus de 4,500 études, avec les contributions des leaders mondiaux en neuropédagogie (Mind, Brain and Education Science).

 

 

La neuroimagerie amplifie la connaissance sur le cerveau

 

On a accéléré le financement de la technologie en réponse aux premiers développements de l’informatique dans les années 1970. L’emploi d’automates sur les chaînes d’assemblage au Japon dans les années 1970 a provoqué de nouvelles découvertes dans d’autres champs disciplinaires, comme la médecine. Dans les années 1980, les améliorations en neuroimagerie et finalement le développement des techniques d’imagerie in vivo ont permis d’observer le cerveau en train d’apprendre, ce qui a entraîné une compréhension des fonctions perceptuelles, cognitives et émotionnelles de celui-ci, avec une utilité certaine pour l’éducation. Malgré l’existence des électroencéphalographes (EEG) depuis 1929 et des premiers appareils informatisés en 1973 comme les scanners (tomodensitométrie) et l’Imagerie à Résonance Magnétique (IRM), on n’a pas utilisé extensivement la neuroimagerie jusqu’à l’introduction en 1979 des scanners TEP, de la Stimulation Magnétique Transcranienne (SMT) en 1985 et de l’Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle (IRMf) en 1990, lorsqu’on a connu une explosion des études. Avec des outils plus précis en neuroimagerie, on a étudié de plus en plus de patients sains, non plus seulement ceux qui étaient atteints de lésions et traumatismes. La plupart des travaux initiaux conduits avec les techniques d’imagerie cérébrale sur les patients sains se sont focalisés sur les domaines du langage et de l’attention. L’enthousiasme pour l’accumulation des preuves empiriques sur les mécanismes de l’apprentissage a suscité l’intérêt des enseignants.

 

 

Ecrits et premiers essais d’une science MBE (= neuropédagogie, neurodidactique, neuroéducation)

 

Le premier traité sur la science MBE (neuropédagogieneurodidactiqueneuroéducation), écrit en 1981 (O’Dell, 1981), était titré Neuroeducation : Brain Compatible Learning Stratégies. En avance sur son temps, O’Dell n’était probablement pas conscient que son approche révolutionnaire des processus d’enseignement et d’apprentissage deviendrait la norme 30 ans plus tard. La spéculation à propos des mécanismes neuraux impliqués dans la cognition, et la considération sur leurs applications à l’éducation ont vraiment commencé au début des années 1980. Les implications en philosophie de l’éducation de la recherche sélective sur le cerveau ont aussi établi les bases initiales de ce qu’on nomme aujourd’hui neuroéthique : comment choisit-on sur la base des nouvelles connaissances disponibles sur les fonctions cérébrales. Le lien avec les pratiques en éducation a été renforcé au début des années 1980 par des tentatives pour labelliser la science émergente de l’apprentissage comme « psychologie de l’éducation appliquée ». On peut penser que cette dénomination n’a pas bénéficié d’un large support par manque de fondements neuroscientifiques pour soutenir ses assertions.

 

« L’éducation est en passe de découvrir le cerveau et c’est sûrement l’une des meilleures nouvelles… Quiconque n’a pas de connaissance rigoureuse et holistique de l’architecture, des buts et des principaux processus du cerveau est dépassé, comme le serait un designer automobile sans compréhension complète des moteurs. »

Leslie Hart, Human Brain, Human Learning, (1983/1999, p. xi )

 

Deux livres populaires auprès des enseignants, Les Intelligences Multiples et Human Brain, Human Learning (ndt : livre non traduit en français) ont été respectivement écrits en 1983 par Howard Gardner, et Leslie Hart. Ces deux ouvrages ont eu un rôle influent dans les cercles éducatifs parce qu’ils ont marqué le début de l’intérêt pour la connexion entre la profession d’enseignant et la neuropédagogie. Bien que les travaux de Gardner se soient inspirés de l’étude de lésions cérébrales de patients à l’hôpital des vétérans de Boston dans les années 1970, celui-ci n’a pas affirmé que sa théorie des Intelligences Multiples reposait sur des aires cérébrales spécifiques, ni qu’elle était soutenue par les neurosciences, bien qu’il ait clairement indiqué qu’au moins certaines des intelligences (linguistique, mathématique et musicale) pouvaient être isolées lors d’une lésion cérébrale. Le travail de Gardner a vivement impacté les enseignants, parents et psychologues scolaires parce qu’il remettait en cause la notion communément admise « d’intelligence » et, ce faisant, Gardner a initié un débat général sur ce que l’on croyait pertinent dans toutes les mesures éducatives. En revanche, le travail d’Hart se basait sur la manière dont le cerveau apprend. Hart a été l’un des premiers à alerter sur le manque d’attention porté au cerveau dans les pratiques éducatives. Hart disait que concevoir des expériences éducatives sans une compréhension du cerveau revenait à fabriquer un gant sans comprendre la main humaine (1983), et il a appelé les enseignants à faire preuve de davantage de discernement dans l’exercice de leur profession. Le travail d’Hart s’est essentiellement consacré au « pourquoi » et « comment » on enseigne. Le livre d’Hart a sans aucun doute marqué les fondations d’un nouveau genre d’édition sur le cerveau et l’apprentissage.

 

 

Modèles connexionistes, cognitivistes et constructivistes

 

Parallèlement à la nouvelle perception du cerveau et de l’apprentissage proposée par Hart, et la conception originale de l’intelligence présentée par Gardner, le milieu des années 1980 a marqué la naissance de débats sur le modèle cognitiviste en psychologie. Ces modèles ont commencé à offrir une vision plus sophistiquée du cerveau comme une imbrication complexe de systèmes variés (soit l’idée connectiviste), plutôt que les simples théories localisationnistes du passé (qui pensaient que la fonction X était localisée au point Y dans tout cerveau). Les années 1980 ont aussi connu un glissement des études comportementales en psychologie de l’éducation vers les théories cognitivistes et constructivistes. L’idée générale du cognitivisme énonce que les fonctions mentales peuvent et devraient être expliquées par les preuves des activités cérébrales mesurées par l’expérimentation. D’un autre côté, le modèle constructiviste de l’apprentissage, souvent attribué à Piaget, suggère qu’on construit ses connaissances par ses propres expériences. Associés, les modèles cognitivistes et constructivistes de l’apprentissage ont souligné la compréhension de plus en plus fine de la manière dont la capacité cognitive augmente au long de la vie d’un homme, et comment cet accroissement peut être mesuré en des termes relatifs aussi bien qu’absolus. Depuis ce glissement précoce du behaviorisme (la croyance que toute action d’un organisme peut et devrait être considérée comme un comportement) au cognitivisme, la psychologie s’est tournée davantage vers les sciences dures qu’humaines et sociales. La conception interdisciplinaire de l’apprentissage et sa contrepartie naturelle, l’enseignement, ont été fermement posées dans les années 1980.

 

 

De nouvelles organisations

 

La nature interdisciplinaire de la neuropédagogie a été énoncée dans bien des déclarations de nombreuses organisations dans les années 1980. En 1983, le Economic and Social Research Council (ESRC) au Royaume Uni et le Medical Research Council (MRC) ont été fondés pour encourager « des projets de recherche innovateurs et multidisciplinaires qui lient les neurosciences basiques aussi bien que dans le domaine de la santé aux facteurs et comportements sociaux. » L’ESRC se focalise sur “les liens entre l’esprit, le cerveau, les traits innés, la société, la culture et le comportement, qu’ils soient normaux ou anormaux.” L’angle de la recherche sociale conduite par ces organismes s’est accompagné d’un regain des sciences naturelles dans le milieu des années 1980. L’influence de la génétique et de l’héritabilité sur l’intelligence générale a reporté l’attention sur le double rôle de la nature et de la culture dans l’apprentissage, maintenant une forte concentration sur le lien entre la biologie et la pédagogie.

 

 

La naissance des neurosciences

 

1984 à 1989 marqua la naissance des neurosciences comme nouveau champ disciplinaire, avec des livres consacrés à cette discipline. Pour certains, ce sont les neurosciences davantage que la neuropsychologie de l’éducation qui ont donné naissance à la neuropédagogie (science MBE). Les neurosciences ont été l’un des véritables champs transdisciplinaires, et certains auteurs comme Gardner (1987) ont inclus des champs aussi pertinents que la psychologie et aussi éloignés que la linguistique, l’intelligence artificielle et la philosophie. Les neurosciences ont donné aux théoriciens un large éventail conceptuel pour émettre des hypothèses sur les fondations biologiques de la pensée. Les éducateurs se sont emparés de l’émergence des neurosciences et ont unifié les nouvelles informations dans le domaine.

 

 

L’intérêt de l’éducation pour le cerveau

 

Alors que l’on a discuté de l’éducation sur le plan socio-politique pendant la plus grande partie des années 1960 et 1970, dans les années 1980, on a délaissé « l’équité » pour « l’excellence », et ce faisant, on s’est davantage penché sur les mécanismes cérébraux de l’apprentissage plus que sur la législation. Le groupement d’intérêt spécial (SIG) sur le cerveau, les neurosciences et l’éducation de l’association américaine de recherche sur l’éducation (AERA) a été fondé en 1988. Ce SIG a été originellement formé pour la psychophysiologie et l’éducation et est l’organisme le plus ancien à spécifiquement relier la recherche dans les neurosciences et l’éducation aux Etats-Unis. Il a été le seul organisme au monde à accueillir un colloque annuel où des auteurs venaient présenter devant un comité de lecture leurs travaux qui reliaient la recherche et les théories en neurosciences et éducation. L’objectif de ce SIG demeure la promotion et la compréhension des recherches en neurosciences au sein de la communauté éducative, et il accomplit cet objectif en promouvant les recherches en neurosciences qui ont des implications dans les pratiques éducatives et en fournissant un forum où l’on peut discuter des controverses et problèmes dans la connexion de ces disciplines. En se focalisant sur la psychophysiologie de l’apprentissage, l’AERA a été de bien des façons en avance sur son temps. Peu de temps après la fondation du SIG, de nombreuses découvertes ont marqué la Décennie du Cerveau.

 

 

Le début des années 1990 : La Décennie du Cerveau

 

La Décennie du Cerveau (1990-1999) a entraîné le développement de milliers de nouvelles découvertes et douzaines de théories sur le cerveau et l’apprentissage. Deux sortes élémentaires de théories de l’apprentissage ont été jusqu’ici renforcées : à la fois modulaires et spécialisées d’un côté, globales de l’autre.

Les théories modulaires relatives à un domaine spécifique s’attachent principalement à expliquer les mécanismes neuraux des habiletés comme les mathématiques, la lecture, l’attention et la mémoire. Elles ont tendance à étudier très précisément des habiletés très spécialisées comme la façon dont le cerveau perçoit les phonèmes ou comment une aire cérébrale particulière est responsable de la reconnaissance faciale. Tout cela est abordé en détail dans le chapitre 6 qui traite des différents sujets relevant de la neuropédagogie (Sciences MBE).

Les théories globales de l’apprentissage traitent de manière holistique la façon dont le cerveau apprend le mieux. Par exemple, Kurt Fischer et d’autres avec lui, reconnaissent l’apport à l’éducation des recherches en neurosciences et ont dès lors commencé à concevoir un champ disciplinaire indépendant. Les neuroscientifiques cognitivistes comme Bruce McCandliss et Sally Shaywitz aussi bien que les chercheurs de l’U.S. National Institutes of Health (NIH) et de l’U.S. National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) ont commencé à réaliser des expériences dans des laboratoires de neurosciences qui ont eu davantage d’applications directes sur la manière dont le cerveau fonctionne en matière d’enseignement et d’apprentissage, vue sous l’angle des théories globales.

Les années 90 ont également marqué le début d’un mouvement pour responsabiliser les acteurs du système éducatif américain. Qui était responsable de son succès ou de son échec ? Les Etats fédérés étaient-ils individuellement responsables de l’ensemble de l’Amérique ? Que dire des enseignants ? Les initiatives pour rationaliser le système éducatif ont mis sous pression les acteurs locaux afin de trouver les causes originelles du succès ou de l’échec de leurs systèmes scolaires respectifs. Ce qui a commencé comme une charge au niveau macro a gagné le plus petit niveau possible : l’individu et son cerveau. De nombreux Etats ont commencé à analyser avec insistance leur population locale et considérer que certaines caractéristiques, comme un statut socioéconomique faible, la pauvreté, une nutrition insuffisante et le manque de soutien éducatif dès le plus jeune âge influençaient le niveau général d’apprentissage qu’atteignaient leurs étudiants. Même les Etats riches ont réalisé que, encore une fois, la force d’une chaîne est définie par son maillon le plus faible. Les interventions éducatives se sont alors recentrées au niveau individuel, avec une demande pour de plus en plus de mesures personnalisées.

Les premières tentatives scientifiques pour se rapprocher de l’information et des produits optimisés pour les enseignants se sont intensifiées au début des années 1990. La psychologue expérimentale Paula Tallal, initialement à Cambridge (maintenant à Rutgers), et le neuropsychologue Michael Merzenich, initialement à Johns Hopkins (maintenant à L’Université de Californie, San Francisco), ont commencé à organiser des conférences sur le cerveau destinées aux éducateurs à travers leur entreprise Scientific Learning (auteur du célèbre programme de maîtrise de l’anglais Fast ForWord). Ces rencontres ont trouvé de l’écho auprès des enseignants et des administrateurs de secteurs scolaires qui ont réclamé des interventions plus proches de leurs préoccupations que de celles des apprenants. L’enthousiasme des enseignants a conduit à davantage d’innovations dans les classes. Bien que certaines de ces pratiques éducatives innovantes fussent de haute qualité, dans certains cas, elles ne furent pas corrélées par la Recherche, et dans d’autres, elles firent la promotion de neuromythes.

 

 

Coopération Internationale en neuropédagogie (science MBE) et Nouvelles Institutions

 

Le début des années 1990 a aussi connu une coopération internationale interdisciplinaire. En 1990, la Fondation James S. McDonnell basée à Saint Louis, et le Pew Charitable Trusts de Philadelphie ont aidé à fonder le Centre pour les Neurosciences à l’Université d’Oxford. Le Centre « encourage le travail dans tous les domaines des neurosciences à travers les disciplines qui lui sont rattachées, et comprend la recherche expérimentale, théorique et clinique de l’analyse perceptuelle, la mémoire, le langage, le contrôle moteur, incluant les approches philosophiques de la cognition. » En 1994 fut fondée en Allemagne la Max Planck Institute for Human Cognitive and Brain Science (MPI CBS) qui « traite des habiletés cognitives humaines et processus cérébraux, plus spécialement les problématiques du langage, de la musique et du mouvement ». Selon le site Internet du MPI : « En 1917, le premier institut mondial interdisciplinaire de la recherche sur le cerveau a été établi à Munich, le Deutsche Forschungsanstalt für Psychiatrie (l’Institut Allemand de Recherche en Psychiatrie). » Ces deux centres sont pionniers dans l’étude des neurosciences et de ses applications à l’éducation. Pour la première fois ont été débloqués des fonds significatifs pour le champ des neurosciences appliquées à l’éducation. Cependant, l’accroissement des travaux dans ce domaine et la formalisation de la discipline se sont accompagnés d’une remise en cause des objectifs peut-être trop élevés de relier éducation et neurosciences, et avec ces doutes, une bonne dose de scepticisme.

 

 

Fin des années 1990 : scepticisme bienvenu sur l’émergence de la neuropédagogie (science MBE)

 

Le scepticisme salutaire concernant la neuropédagogie a été incarnée par un article de John T. Bruer, “Education and the Brain: A Bridge Too Far” (1997), auxquels ont répondu deux articles de James Byrnes and Nathan Fox sur la pertinence d’appliquer à l’éducation les recherches en neurosciences “The Educational Relevance of Research in Cognitive Neuroscience” (1998a) and “Minds, Brains, and Education: Part II. Responding to the Commentaries” (1998b). Les articles de Byrnes et Fox ainsi que les commentaires qui s’ensuivirent ont stimulé les débuts d’un vibrant débat sur ce qui pourrait et devrait relier les neurosciences et l’éducation. Les éducateurs qui ont soutenu la thèse de Bruer (1997) ont noté que les enseignants ne pouvaient pas concrétiser dans leurs pratiques les recherches en neurosciences. Beaucoup de ces soutiens ont pensé que les enseignants devraient plutôt épouser la psychologie cognitive ou d’autres champs déjà existants pour accroître leur compréhension de l’apprentissage. L’appel pour « rendre les neurosciences applicables à l’éducation » et le besoin de « créer une collaboration bidirectionnelle entre la psychologie scolaire et les neurosciences » ont été nombreux à la fin des années 1990. Les séminaires universitaires, comme celui qui s’est tenu en 1998 à l’Université de Cambridge, ont considéré les implications des neurosciences à l’éducation, et un nombre croissant d’enseignants a commencé à s’impliquer plus directement en neuropédagogie, plutôt que de demeurer simplement des consommateurs passifs des publications en neurosciences, qui souvent n’ont pas eu de transferts directs dans les salles de classe.

 

 

L’usage éducatif des outils de la neuropédagogie (science MBE)

 

En 1998 la Commission Educative des Etats a publié un examen de l’apport potentiel des neurosciences aux politiques éducatives. Il y eut, à la fin des années 1990, une explosion des refondations pédagogiques, incluant des tentatives pour rassembler les enseignants autour d’une série consensuelle de bonnes pratiques d’enseignement et d’une planification des cours et programmes. Bien que ces méthodes ne soient pas venues des recherches en neurosciences, elles ont intentionnellement ou non appliqué les standards de la neuropédagogie, lui donnant ainsi la crédibilité par delà le champ de l’éducation. Ce point est très important parce qu’il fait la distinction entre l’information produite par l’émergence de la neuropédagogie et l’information qui est employée dans le champ de l’éducation qui adhère aux principes de la neuropédagogie. Par exemple, il est important de noter que la planification du cursus dans Understanding by Design (ndt : c’est un ensemble d’outils pour construire des plans de formation et des séquences) de Wiggins et McTighe est structuré autour des empans de l’attention (ndt : c’est la durée de l’attention que l’on peut allouer à la tâche à accomplir) et de la mémoire (ndt : c’est le nombre d’items que la mémoire à court terme peut retenir, ou la mémoire de travail peut manipuler), deux aspects fondamentaux pour la neuropédagogie, bien que ces auteurs n’affirment pas baser leur théorie sur les principes de la neuropédagogie.

 

Certains enseignants ont commencé à entendre quelques messages des neurosciences, comme la croyance qu’il n’y a pas deux cerveaux identiques, et ont commencé à baser leurs pratiques autour de ces découvertes neuroscientifiques. Par exemple, il y a eu un mouvement pour une instruction différenciée, basée sur la reconnaissance des capacités d’apprentissage et besoins propres à chaque individu. L’un des livres les plus influents sur l’apprentissage a été sponsorisé par le National Research Council et mis à jour en 2003 par Bransford, Brown, et Cocking. Leur livre How People Learn (2003) demeure une référence incontournable pour les enseignants. D’autres recherches de très grande qualité ont été également produites pendant ce temps, basées sur les bonnes pratiques d’enseignement qui ont été prouvées en laboratoire et appliquées dans les salles de classe aussi bien que dans les foyers dans tous les États-Unis. Par exemple, le nouveau programme de lecture basé sur les recherches en neurosciences, comme Fast ForWord et RAVE-O (retrieval, automaticity, vocabulary, engagement with language, orthography), ont été développé par des non scientifiques et appliqués avec succès dans les classes depuis la fin des années 90 (voir chapitre 7). Les évaluations initiales de ces programmes ont été très bonnes, démontrant que la collaboration entre neuroscientifiques et éducateurs peut être fructueuse. À la fin des années 90 les théories sur l’apprentissage global ont cherché à offrir une explication englobante des processus humains d’enseignement-apprentissage. L’un de ces concepts était le universal design for learning (UDL), qui est « défini par la recherche sur la diversité, recherches sur le cerveau, intelligences multiples et la flexibilité des médias digitaux, » (Gray Smith, 2008, p. vii). L’UDL cherche à guider la création d’« environnements d’apprentissage flexibles » propices à des structures différenciées d’apprentissage dans les salles de classe. Non seulement l’UDL relie neurosciences et éducation mais intègre aussi la technologie tout en recherchant un bien-être psychologique de tous les étudiants dans la salle de classe.

 

 

La presse grand public tente de combler le fossé avec différents degrés de succès

 

L’intérêt des enseignants pour le cerveau s’est amélioré, mais seuls quelques programmes universitaires ont proposé des cours dans cette discipline, et des livres grand public sur la neuropédagogie ont fleuri pour combler le fossé à la fin des années 90. La première édition de l’un des livres à destination des enseignants les plus vendus de tous les temps, Teaching with the Brain in Mind, a été publié à cette époque. En 1999, la première Learning Brain EXPO à San Diego a rassemblé plus de 700 enseignants et scientifiques, attestant la popularité de tout ce qui était à l’époque basé sur le cerveau.

 

La première “conférence sur l’apprentissage et le cerveau” qui eut lieu sur les campus de l’Université Harvard et du MIT en 1997, chercha à élever le niveau des relations entre enseignants et neuroscientifiques comme à commencer des rencontres formelles à la fin des années 90. La 26e conférence de ce type eu lieu en mai 2010 et rassembla plus de 2000 personnes, principalement des éducateurs, montrant un intérêt croissant des enseignants pour cette discipline émergente. Le programme actuel de conférence est co-sponsorisée par le programme Mind, Brain, and Education de la Harvard Graduate School of Education, de la Johns Hopkins University, de la Comer School Development Program (Yale University School of Medicine), de la Neuroscience Research Institute (University of California, Santa Barbara), de la School of Education de Stanford University, de la Center for the Study of Learning de Georgetown University, de la Dana Alliance for Brain Initiatives, de la Cognitive Control and Development Lab (University of California, Berkeley), de la National Association of Elementary School Principals, de la National Association of Secondary School Principals, et de nombreux autres organismes. L’étendue des sponsors de haute qualité de ces conférences démontre un intérêt profond par les instituts d’apprentissage pour incorporer davantage les neurosciences dans les programmes de formation des enseignants.

 

La croissance des publications pendant les années 1990 montre l’impact qu’a eu la « Décennie du Cerveau » sur les recherches encourageantes dans la discipline, aussi bien que le grand impact de la technologie dans la fourniture continuelle de moyens pour observer des cerveaux humains sains et fonctionnels. En 2010 le nombre de travaux importants qui proviennent directement de la neuropédagogie plutôt que des disciplines parentes des neurosciences, de la psychologie ou de la pédagogie prouve un intérêt croissant pour la recherche et l’application des concepts portés par cette discipline émergente. Cependant, de nombreuses personnes ont questionné la qualité des informations à destination des enseignants.

 

 

Nouveaux programmes académiques en neuropédagogie

 

A la fin des années 1990 plusieurs associations ont été créées autour de cette discipline émergente afin d’essayer de la soumettre à une évaluation. Le Cornell University’s Sackler Institute for Developmental Psychobiology a été fondé en 1998 et s’est focalisé graduellement sur la neuroéducation. De l’autre côté de l’Atlantique, la Société Belge de Neurosciences à été fondée la même année, montrant que l’intérêt pour la relation entre le cerveau et l’apprentissage était en effet un phénomène international. Les programmes universitaires ont également commencé à prendre de l’ampleur à cette époque. Après plusieurs années de planification (1997-2001), l’Université Harvard a lancé son programme Mind, Brain, and Education en 2001-2002. Dans le même esprit, l’Université de Cambridge a lancé le programme en psychologie et neuroscience de l’éducation en 2004. Le centre de transfert des neurosciences aux apprentissages d’Ulm en Allemagne (2004), le centre pour les neurosciences et l’éducation de l’Université de Bristol (2005), et la fondation du Laboratoire d’Apprentissage au Danemark (2005) étaient tous des points de repères naissants dans la tentative de structurer cette discipline émergente. D’autres programmes en neuropédagogie se développèrent en 2005 à l’Université d’Arlington au Texas, l’Université de Californie du Sud, l’Université Normale de Pékin et l’Université du Sud-Est à Nanjing.

 

 

Les années 2000 : interprétations et mésinterprétations des neurosciences appliquées à l’éducation

 

De 2000 à 2005, la connaissance des processus développementaux de l’apprentissage ont conduit à la prolifération d’informations neuroscientifiques écrites par et pour les éducateurs. Alors que certains éducateurs ont partagé avec les enseignants des conseils mesurés et de qualité, certains écrivants à succès ont fait l’apologie de prétentions commercialement attractives mais neuroscientifiquement inexactes. Par exemple les discussions au sujet de « enfants de cerveau droit dans un monde de cerveau gauche » ou les guides sur comment utiliser « le cerveau droit pour éviter le désordre, maîtriser le temps où atteindre ses objectifs », qui ont été populaires dans les années 90 continuent d’être achetés par milliers, comme dans le cas de Développez la puissance de votre cerveau semaine après semaine : 52 techniques pour vous rendre plus intelligent. Cette acceptation aussi facile d’informations fausses a valu à nombre d’enseignants une mauvaise réputation dans les cercles des sciences dures. Les enseignants ont été accusés de rechercher des « solutions rapides » plutôt que d’être respectés eux-mêmes comme des chercheurs de qualité. Cette mauvaise réputation a conduit à rejeter le label “brain-based education” parce qu’il était associé à de nombreuses prétentions erronées sur le cerveau et l’apprentissage.

 

 

Technologie de pointe

 

La technologie de la neuroimagerie médicale a fait un bond avec le développement de la topographie optique™ de Hideaki Koizumi qui a été annoncé en 1995 et commercialisée en 2001 par Hitachi Medical Corporation comme « une technique de neuroimagerie non invasive qui utilise la lumière pour mesurer les changements hémodynamiques dans le cerveau ». Cette technologie était révolutionnaire en ce que « elle n’exige aucun environnement spécial pas plus que l’immobilité d’un patient pendant les examens, [ainsi] les fonctions du cerveau peuvent être mesurées à leur état naturel. » Cette technologie a rendu possible, par exemple, l’observation de cerveau de bébés, ce qui a ouvert une myriade de potentielles « application [s] dans les études de l’apprentissage et de l’éducation. » Cette avancée technologique a été un tremplin sur le chemin de liens renforcés entre le laboratoire et la salle de classe. L’invention de Koizumi est un grand pas dans l’observation en conditions réelles d’apprentissage associé à la précision du laboratoire.

 

Figure 3.8 Hideaki Koizumi and Hitachi’s new Brain Imaging Technology: Optical Topography

 

Source : World Press Report of Hitachi Brain Machine Interface

 

 

La naissance d’une nouvelle discipline : la neuropédagogie (MBE Science)

 

On peut dire que la neuropédagogie est née à différents endroits en même temps, sur toute la planète. Au tournant du XXIe siècle, des tentatives formelles pour unifier les concepts interdisciplinaires dans l’apprentissage et l’enseignement ont été nombreuses. En 2000 la Australian National Neuroscience Facility a été fondée pour synthétiser et intégrer différentes découvertes institutionnelles à fin d’élever le niveau de la recherche en neurosciences éducation. En 2000, le Neurosciences India Group a été aussi fondé avec pour mission de « valoriser à travers l’éducation » en poursuivant des recherches de pointe sur l’apprentissage. Tous les deux ont réalisé l’utilité de la recherche en neuropédagogie pour les besoins de la classe. De nombreuses universités comme l’Université de Melbourne à travers son forum « esprit, cerveau et comportement » a conduit à une réflexion globale sur les relations entre l’intelligence et l’éducation selon une perspective neuroscientifique.

 

Certaines des premières organisations formelles qui ont promu la neuropédagogie à travers le monde ont inclus l’unité de neuroimagerie cognitive de l’Inserm (2001), et le Oxford Neuroscience Education Forum (2001) au Royaume-Uni. Mais peut-être que le plus grand leader de ce mouvement était l’OCDE, qui a conduit à cette époque trois conférences internationales pour synthétiser les opinions et préoccupations et planifier la recherche dans cette discipline émergente à l’intersection des neurosciences, de la psychologie et de l’éducation. Ces conférences ont eu lieu à New York (2000), Grenade en Espagne (2001) et Tokyo (2001) et ont servi à identifier les leaders ainsi que les défis majeurs auxquels ils allaient être confrontés. Le 400è anniversaire de l’Académie Pontificale des Sciences en novembre 2003 s’est aussi focalisé sur la neuropédagogie et a donné un contexte historique pour comprendre les modifications significatives dans l’éducation qui pouvait résulter de cette science naissante de l’apprentissage.

 

 

Efforts gouvernementaux pour unifier les initiatives sur le cerveau et l’apprentissage

 

Plusieurs programmes gouvernementaux relatifs à cette discipline émergente ont commencé au début des années 2000. La Japan Research Institute of Science and Technology (2001) puis la RIKEN Institute au Japon (2002) ont mis l’accent sur la recherche flexible et interdisciplinaire sur le cerveau et l’apprentissage. À la fin de 2002, le Conseil Néerlandais des Sciences, en accord avec le Ministère Néerlandais de l’Education de la Culture et des Sciences, a mis en place le comité cerveau et apprentissage. Le Conseil Néerlandais des Sciences a entrepris des initiatives pour stimuler un échange actif entre neuroscientifiques, scientifiques en sciences cognitives et scientifiques de l’éducation au sujet des pratiques éducatives. Cet échange a donné lieu à un livre sur le nec plus ultra des découvertes, Learning to Know the Brain (Conseil Néerlandais des Sciences, 2005). La tendance à appliquer à l’éducation les concepts issus des neurosciences s’est accompagnée d’une société de plus en plus réceptive, en attente de nouveaux outils pour combattre les problèmes en éducation.

 

 

La première société internationale de neuropédagogie

 

En 2004 la constitution de l’International Mind, Brain, and Education Society (IMBES) a été annoncée à la conférence sur la Usable Knowledge in Mind, Brain, and Education à l’Université Harvard. Dès son origine, l’ IMBES a tenu des assemblées de plus en plus importantes, ce qui prouve la volonté de ses membres de se réunir autour de la neuropédagogie plutôt que de demeurer isolés dans leurs disciplines respectives (comme les psychologues de l’éducation, les neuroscientifiques cognitivistes ou autres). En 2005 la Société Mexicaine des Neurosciences à été fondée, démontrant l’expansion de la neuropédagogie dans d’autres endroits que l’Europe, le Japon et les États-Unis. Cela a été suivi par un programme doctoral innovant dans la même année : le Joint International Neuroscience Ph.D. Program qui rassemblait différentes perspectives mondiales sur cette discipline émergente et était sponsorisé par l’Université de Bologne (Italie), l’Université Claude Bernard (Lyon, France), la University College of London (U.K.), l’Université de Bangor (Écosse, U.K), et la Wake Forest University, School of Medicine (North Carolina, U.S.A.). Les innovations dans cette discipline ont commencé à faire boule de neige dans les années 2010.

 

 

Le Nouveau Défi : Communication Transdisciplinaire

 

Ces différentes initiatives ont conduit à la création de la neuropédagogie, une discipline globale transdisciplinaire. Entre 2004 et 2006 de nombreuses suggestions concrètes ont circulé sur la manière d’améliorer la communication interdisciplinaire dans cette discipline émergente. Les acteurs qui font la promotion d’une standardisation formelle de la neuropédagogie ont attiré l’attention sur le manque de vocabulaire commun aussi bien que sur les défis proposés par les différentes appréciations dans les avancées de cette discipline. Ce défi a été relevé par une poignée de professionnels qui ont étudié deux si ce n’est pas les trois disciplines parentes (on peut trouver certaines de leurs suggestions dans le chapitre 9). Un nombre croissant d’individus qui ont été formés à la fois en pédagogie et en neurosciences ont commencé à publier des ouvrages acceptables par les neuroscientifiques, utiles aux éducateurs, tout en présentant un attrait pour les psychologues. Usha Goswami et Judy Willis sont des exemples de neuroscientifiques devenus éducateurs dans la nouvelle profession de neuropédagogue. Leur expertise sur le cerveau et leur style d’écriture clair et cohérent ont conquis de nombreux enseignants. De même, Patricia Wolfe et David Sousa sont passés du statut d’enseignant à celui d’experts en neuropédagogie. Eux aussi, ont fourni aux enseignants des informations scientifiques cohérentes et faciles à lire, et ont permis aux neuroscientifiques d’aborder les problèmes d’apprentissage selon un angle plus pratique, celui de la classe.

 

Les instituts et organisations dévolus exclusivement aux objectifs de la discipline émergente qu’est la neuropédagogie ont continué de croître comme le Oxford University Institute for the Future of the Mind (2006), preuve d’une formalisation continuelle de la discipline. Le court mais intéressant livre La Naissance d’Une Science de l’Apprentissage (OCDE, 2007), a avalisé la reconnaissance d’une nouvelle discipline selon une vision commune des 30 pays de l’OCDE (Australie, Autriche, Belgique, Canada, République Tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Japon, Corée, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, République de Slovaquie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Etats-Unis). Grâce aux efforts de Kurt Fischer et David Daniel, en mars 2007 la neuropédagogie lança son premier numéro de Mind, Brain, and Education Journal, ce qui fut un événement majeur dans l’histoire de cette discipline nouvelle. Ce journal savant reprit ce qu’avaient fait ses aînés : établir un comité de lecture qui inclut des neuroscientifiques cognitivistes, des enseignants et des psychologues de l’éducation.

 

 

Unifier la discipline : enseignants, psychologues et neuroscientifiques travaillant ensemble

 

Depuis environ 2007, il y eut de nombreux efforts concentrés pour intégrer davantage les enseignants au processus de recherche à travers des conférences et des rassemblements, comme avec le Educator’s Views on the Role of Neuroscience in Education: Findings from a Study of UK and International Perspectives (2007) de Sue Pickering et Paul Howard-Jones, et la première conférence International Mind, Brain, and Education Society à Fort Worth, Texas, organisée par Marc Schwartz et le Southwest Center for MBE de l’Université du Texas à Arlington. La combinaison de la psychologie du développement, des neurosciences et de la théorie de l’apprentissage est devenue plus ordinaire dans les publications comme Human Behavior, Learning, and the Developing Brain: Typical Development (Coch, Fischer, & Dawson, 2007), et le Jossey-Bass Reader on the Brain and Learning (Wiley, 2008). La seconde conférence de la International Mind, Brain, and Education Society a eu lieu à Philadelphia en Mai 2009, avec une augmentation régulière des membres. Grâce à la double augmentation des publications et des rassemblements des sociétés savantes, il semble que la formation professionnelle en neuropédagogie se renforçait. Cette reconnaissance grandissante s’est cependant accompagnée d’une responsabilité croissante. Aux alentours de 2004, ont émergé les questions de neuroéthique.

 

 

Neuroéthique et autocritique en neuropédagogie

 

A mesure que la discipline gagnait ses lettres de noblesse, on s’est intéressé aux conséquences de son travail, ce qui s’est accompagné d’une préoccupation grandissante pour la neuroéthique. Les appels à observer l’éthique se sont multipliés en raison de la disponibilité d’informations appropriées sur le cerveau. Par exemple, on observe une augmentation d’appels à se positionner sur les produits pharmaceutiques qui accroitraient la mémoire (ndt : on les appelle les nootropes), les bénéfices et potentiels inconvénients qu’on aurait à scanner les cerveaux des apprenants afin de détecter les problèmes organiques, enfin les responsabilités qu’ont enseignants et parents sur la conduite à tenir pour une hygiène appropriée du cerveau des enfants. La discipline dans son ensemble, aussi bien que chaque professionnel, devra réfléchir à tous ces problèmes.

 

Outre les préoccupations éthiques, des articles ont dans les années 90 contesté les concepts sur l’apprentissage proposés par cette discipline. Ces nouvelles autocritiques reflètent la maturité qui est aujourd’hui assez établie pour juger l’état de ses propres recherches. De nombreux articles ont été rédigés pour condamner ceux qui osent promouvoir des demi-vérités et des neuromythes sur la discipline. Ce jugement salutaire de la recherche sur la discipline a permis d’améliorer les standards, mais a aussi accru les tensions dans les relations entre professionnels de l’éducation, de la psychologie et des neurosciences. De tous les côtés, on voulait améliorer la communication et le partage au début des années 2000. Les enseignants ont prié les neurosciences de leur dire quelle information était « bonne » et laquelle était « mauvaise » pendant les conférences IMBES (2007). Les neuroscientifiques ont réagi aux critiques en affirmant que leur travail s’appliquait aux animaux de laboratoire, ni aux enseignants pas plus qu’aux apprenants, et ont demandé aux enseignants de leur exposer des problèmes réels auxquels ils étaient confrontés afin de structurer de futures recherches. Les psychologues ont commencé à réagir aux appels des éducateurs afin que la théorie produise des applications pratiques.

 

 

Un mouvement de balancier de l’esprit au cerveau et inversement

 

A la fin de 2007 il est devenu clair que la neuropédagogie a effectué un mouvement de balancier. Des Grecs de l’Antiquité à la Décade du Cerveau dans les années 90 on a observé une demande d’une solide formation en sciences, ou plus spécifiquement, dans l’information sur le cerveau. Au début du XXIe siècle, il y eut cependant un changement. De nombreux scientifiques se sont rappelés que la discipline était « en train de perdre son esprit en faveur du cerveau, » et qu’un glissement vers le « déterminisme biologique » était au mieux scientifiquement fragile, au pire dangereux. Ces observations ont humanisé la discipline et demandé une médiation entre la recherche et la pratique aussi bien qu’entre le laboratoire et la salle de classe. Ce mouvement de balancier a rétabli l’équilibre et les valeurs de la science aussi bien que de l’art d’enseigner.

 

En 2008 un panel Delphi international de 20 experts en neuropédagogie chercha à créer un cadre pour standardiser la discipline. Les efforts concertés des neuroscientifiques, psychologues et éducateurs de ce panel ont conduit de nombreuses questions clés de l’ombre à la lumière. Qui devrait enseigner et de quelle manière, et qu’est-ce qui devrait être enseigné pour bénéficier de la connaissance sur le cerveau sont devenus des problèmes clés en éducation. Ces problématiques ont inclus la création de standards et un langage commun aussi bien que des sujets et thèmes fondamentaux dans la nouvelle science de l’enseignement et de l’apprentissage, nous discutons de tout cela dans les chapitres suivants.

 

À la fin de la première décade du nouveau millénaire, la neuropédagogie qui était partie d’un groupe de passionnés a conquis des milliers de personnes. Des rassemblements internationaux comme “Explorations in Learning and the Brain” ; “Learning and the Brain” ; “The International Mind, Brain, and Education Conference” ; “Learning Brain Europe” ; “Primary Teacher UK: Learning Brain Europe Conference,” et le “Behavior and Brain Conference” ne furent plus que quelques-uns des rassemblements des sociétés savantes qui prirent place aux États-Unis comme au Royaume-Uni en 2008. Pour la première fois des livres ont utilisé le label “mind, brain, and education” dans leur titre : The Developmental Relations between Mind, Brain and Education: Essays in Honor of Robbie Case ; Mind, Brain, and Education in Reading Disorders ; and The New Science of Teaching and Learning: Using the Best of Mind, Brain, and Education Sciencein the Classroom ont tous étés publiés entre 2009 et 2010.

 

La neuropédagogie plonge ses racines dans des milliers d’années de réflexions académiques. Cette brève histoire de la neuropédagogie suit un développement parallèle dans le monde entier en psychologie, éducation et neurosciences ; un développement qui est devenu un effort intégré dans les années 90 et une nouvelle discipline académique autour de 2004-2006. Une fois unie, cette nouvelle discipline a posé des questions pertinentes à ses membres : la plus importante, quels sont les objectifs de cette nouvelle discipline et à quels standards ses membres sont-ils assujettis ? Ces questions sont explorées dans Mind, Brain, and Education Science (Tokuhama-Espinosa, 2010).

 

 

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Books on this topic by Tracey Tokuhama-Espinosa:

 

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