TC1.9. Concrètement, comment utiliser les émotions dans l’apprentissage ?


Par exemple, dans une formation pour grands débutants à un tableur, et dont la séquence a pour objectif de faire découvrir qu’on peut utiliser les cellules pour écrire des mots (un chiffre est aussi un mot), mais aussi enseigner à employer la barre de formule pour calculer, je procède comme suit :
- Dans la colonne A, j’écris une équation dont le résultat est faux : 2+3 =8
- Dans la colonne C, j’écris la même équation dont le résultat est juste : 2+3=5
- J’incite l’apprenante à poser le pointeur de la souris sur la cellule A7 puis C7, et à observer ce qui se passe dans le tableur afin d’expliquer pourquoi cette différence dans le résultat.
- L’apprenant constate que dans la barre de formules il est écrit 8 lorsqu’on pose le pointeur de la souris sur la cellule A7, et =somme(C3,C5) dans la même barre de formule lorsqu’on pose le pointeur de la souris sur la cellule C7
Conséquences :
- L’objectif de la séquence a été rempli
- L’apprenante a été active ; elle a découvert avec peu d’aide qu’une cellule pouvait être employée pour écrire des lettres ou pour présenter le résultat d’un calcul
- Cela peut l’inciter à apprendre par elle-même plutôt que tout attendre de son entourage, et pousse ainsi à l’autonomie, à sortir de la zone de confort
En quoi les émotions sont-elles intervenues ici ? Lire dans la colonne A que 2+3=8 est un signal qui a alerté sur un déséquilibre avec le monde interne (où on sait que 2+3=5) et appelle à l’action : explorer pourquoi cette différence de résultat.
Encore une fois, je reviendrai souvent sur les émotions, en approfondissant à chaque fois.
Enseigner ne se réduit pas à disposer d’un savoir et à le transmettre. Cela s’appelle le biais de transmission de l’information : « information transmission fallacy » en anglais.
L’emploi des émotions participe à éviter de tomber dans ce biais.
Pour utiliser concrètement les émotions éveillées par la surprise, voici les questions que vous pouvez vous poser au sujet de votre séquence :
- Qu’est-ce que l’apprenant croit déjà savoir de ce que je vais enseigner ? Qu’est-ce que l’apprenante croit déjà savoir de la finalité ou l’utilité de ce qu’elle va apprendre ? Quelles sont les expériences passées de l’une ou l’autre sur la manière d’apprendre ou d’enseigner ce sujet, de l’effet psychologique produit ? Était-ce motivant, ennuyeux… ?
- Dans ce que je vais enseigner, qu’est-ce qui peut aller à l’encontre des croyances de l’apprenant, aussi bien dans le contenu, la manière de le transmettre ou encore sa finalité ?
Les émotions peuvent être concrètement employées avant une séquence d’apprentissage, pour par exemple augmenter l’attention, la cohésion du groupe ou autre objectif. Elles peuvent aussi être employées en fin d’apprentissage pour là encore marquer la cohésion du groupe, offrir une récompense symbolique et chimique (ce qu’on appelle les “neurotransmetteurs du bonheur” et qui ne sont pas tous des neurotransmetteurs d’ailleurs), relâcher la tension. Elles peuvent aussi être intégrées à l’activité comme dans l’exemple sur excel. Elles peuvent concerner les conditions d’apprentissage: apprendre debout alors que les apprenants ont l’habitude d’être assis en formation, chanter, etc.