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Leçon 1, Chapitre 1
En cours

TC1.12. Information et connaissance, une première approche

Enseigner ne se résume pas à détenir un stock de connaissances puis les transmettre. Apprendre ne se résume pas à mémoriser des connaissances.

Mes phrases précédentes sont incorrectes. Voici pourquoi :

  • Les connaissances sont dynamiques, elles changent, et on ne les stocke pas. Elles sont constituées de relations et dépendent des représentations de l’apprenant.
  • On ne transmet pas des connaissances. C’est impossible puisque les connaissances sont constituées de relations et dépendent des représentations de l’apprenant.

Une source (formatrice, enseignant, livre, site Internet, podcast…) transmet des informations et seul l’apprenant les transforme en connaissances. Un apprenant ne peut lui-même partager ses connaissances, il est obligé de les transformer en informations afin de les transmettre.

On peut stocker, mémoriser et transmettre des informations. Mais on ne peut stocker des connaissances, qui se construisent sur la base des informations. L’information est la matière 1ère, la matière brute, et la connaissance est constituée de cette matière 1ère. Deux apprenants qui auront assisté au même cours, et auront donc obtenu les mêmes informations, auront construit différemment leurs connaissances, n’auront pas construit les mêmes connaissances. Il suffit de consulter les notes que les apprenants ont prises pour s’en assurer : elles diffèrent. Sauf lorsque l’enseignante dicte, mais cela concerne essentiellement l’école primaire.

J’aborde ici un point absolument fondamental, peut-être le plus important dans l’apprentissage, alors prenez vraiment le temps de lire, relire, et surtout de faire des liens avec votre propre expérience de l’apprentissage et de l’enseignement.

Pour écrire ce texte, je me repose sur mes connaissances, que je ne peux pas vous transmettre. Mes connaissances ne sont pas stockées quelque part dans mon cerveau. Elles se construisent au moment où je pense à un sujet, à un problème, selon un processus émergent. Et le fait de penser à un sujet, à un problème transforme mes connaissances.

Pour tenter d’être compris de vous, je dois prendre en compte ce que vous savez (vos connaissances du problème abordé, votre langue, votre culture générale…), votre personnalité et encore bien d’autres paramètres impossibles à lister. Cette prise en compte du destinataire (vous en l’occurrence), me conduit à éliminer des informations constitutives de mes connaissances, donc cela transforme mes propres connaissances, cela m’oblige à les réorganiser. Lorsque je pense à vous, quand je pense à mes connaissances, lorsque je fais des liens entre vous et mes connaissances, au sein de mes propres connaissances, cela fait émerger de nouvelles connaissances que je n’avais pas l’instant d’avant. Cela me transforme aussi. Notons que ce paragraphe présente un exemple de métacognition : penser à ce qu’on pense. La métacognition est un processus fondamental pour la construction de la connaissance et ne pas être prisonnier des informations mémorisées.

J’ai écrit et réécrit plusieurs fois le paragraphe précédent (et d’ailleurs tous les paragraphes) parce que des connaissances émergeaient au moment de l’écriture et des réécritures. Voilà un autre exemple concret qui différencie l’information de la connaissance, prouve que la connaissance se construit lorsqu’on tente de résoudre un problème, et suit un processus émergent.

Écrire en pensant à un problème à résoudre (l’association des deux est indispensable) est donc un autre moyen de construire des connaissances. Le recul proposé par l’écrit (lecture et écriture) ne peut être remplacé par des formations « en live » ni des moyens audiovisuels.

Un autre excellent moyen de construire des connaissances est d’enseigner. Les apprenants devraient tous enseigner, même s’ils ne maîtrisent pas leur sujet. Permettre à des apprenants même faibles d’enseigner ce qu’ils ne connaissent pas bien à d’autres apprenants encore plus faibles n’est pas une mauvaise idée. Cette maîtrise viendra avec le temps, avec l’expérience.

Mes connaissances (les vôtres aussi) sont constituées de millions d’informations en relations : cause-conséquence, chronologie, inclusion-exclusion, ressemblance-différence…

Elles sont inconscientes et émergent (se construisent) au moment où j’en ai besoin, pour résoudre un problème. Mon problème actuel est d’être certain de vous faire comprendre la distinction entre information et connaissance, la nature de la connaissance, la nature de l’information. Si mon problème avait été autre, par exemple écrire une saynète, à partir des mêmes informations j’aurais construit d’autres connaissances.

Je ne peux pas me contenter d’écrire « l’information n’est pas la connaissance », « on ne peut pas transmettre une connaissance » (…), cela ne suffit pas à vous aider à construire vos connaissances. Enseigner ne se résume pas à transmettre une information et apprendre ne se résume pas à mémoriser l’information transmise. Disposer des mots pour émettre ou recevoir une information donne l’illusion d’accéder aux connaissances. L’information est ce qui est mis en forme (informare = donner une forme).

Beaucoup d’apprenants, vous peut-être, veulent aller à l’essentiel. C’est une erreur monumentale. Lister un catalogue de faits, de tutoriels, de principes directeurs, de protocoles (etc.) conduit à un apprentissage de surface. Il faut passer du temps sur une notion, la reformuler différemment, effectuer des relations avec d’autres notions. Cela conduit à un apprentissage profond.

L’apprentissage de surface, c’est comme un fast-food. L’apprentissage profond, c’est comme manger un plat de qualité dans un grand restaurant. Le plat compte certes, mais aussi le décor, le service, etc. C’est l’ensemble des informations en relation (plat, décor, service…) qui rend l’expérience mémorable et permet d’accéder à une compréhension supérieure.

Mes connaissances (les vôtres aussi) sont constituées de chunks d’informations. J’ai déjà employé le mot « chunk » précédemment, sans l’avoir défini, vous vous en souvenez ? Pour le moment – cela signifie que j’approfondirai dans d’autres séquences -, définissons le chunk comme une sorte d’archive, de fichier .zip, .rar qu’on utilise pour compresser plusieurs fichiers (texte, image, audio…). Ainsi NASA est le chunk de National Aeronautics and Space Administration. On a utilisé les 4 lettres de NASA pour représenter les 41 lettres de ce que représente cet acronyme, constitué d’informations. Le chunk compresse et regroupe bien des informations, comme le ferait une archive .zip ou .rar. Si un numéro de téléphone fixe (« numéro de téléphone » est une information composée des informations qui le constituent, soit 10 chiffres en France) est 0152431425, on peut le décomposer en 3 chunks : 015 243 1425.

Comme mes connaissances sont construites de chunks d’informations, je ne peux pas les transmettre. Je dois d’abord rendre conscient ce qu’il y a à transmettre, puis décompresser, décomposer les chunks. Et la transmission ne peut être que séquentielle, un par un. Alors que dans mon cerveau (le vôtre aussi), j’ai plusieurs connaissances en compétition, celle qui va émerger et dont je vais être conscient est celle qui aura gagné la compétition au détriment des autres, qui seront perdues. Parfois à jamais.

J’imagine que dans vos conversations, lorsque vous pensez à un projet, et dans maintes circonstances encore, plusieurs pensées se bousculent, des mots et phrases émergent et disparaissent, vous prenez en compte le destinataire et la situation précise et devez éliminer (inhiber) quantité de choses utiles à énoncer ou réaliser.

Pour communiquer avec vous, je suis obligé de transformer mes connaissances en informations. Il m’est impossible de transmettre mes connaissances. Quant à vous, vous construirez vos propres connaissances avec les informations transmises.

Enseigner ne se résume donc pas à transmettre, et apprendre ne se résume pas davantage à mémoriser. Ces deux processus reposent sur la construction et la transformation à partir d’informations. L’information est la matière première de la connaissance.


Activité communautaire 7. Pourquoi ai-je été long dans le fait de distinguer l’information de la connaissance ? Pourquoi suis-je long en général ? Pourquoi le fait d’être direct, aller à l’essentiel est très loin d’être la meilleure solution pour enseigner ? La réponse à ces questions sera donnée dans la suite du tronc commun, mais bien plus tard.


Peak, How to Master Almost Anything

K. Anders Ericsson est incontestablement l’un des plus grands spécialistes mondiaux de l’expertise. Ce brillant scientifique a passé toute sa vie à étudier les personnes performantes, ce, dans maints domaines.

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Le storytelling, grâce à la collaboration avec Robert Pool, rendra la lecture aisée. Point de jargon neuroscientifique ou psychologique. C’est véritablement un livre à la portée de tous.

Ericsson présente de nombreux cas sur lesquels il a travaillé afin de prouver que l’entraînement délibératif fonctionne.

Surtout, il vous permettra de distinguer l’entraînement délibératif, qui conduit à l’expertise, avec la simple répétition d’activités diverses. Il ne vous restera plus qu’à adapter les conseils d’Ericsson à vos activités.