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Leçon 1, Chapitre 1
En cours

TC1.11. Les principaux effets de l’entrelacement dans l’apprentissage, tels qu’étudiés par les scientifiques

Voici quelques effets mis en lumière par différents scientifiques :

  • Augmente la rétention des informations à long terme. Même si le groupe passe moins de temps à réviser, il performe mieux que le groupe classique. Pourquoi on mémorise mieux ? A cause des chunks qui sont connectés au réseau d’informations plus vastes. Un chunk est un groupe d’informations, on approfondira aussi la notion. On a des séances plus courtes, donc on garde un niveau de concentration plus fort. Au sujet de l’attention et la concentration, on pourra oublier le mythe de la limite des 10 ou 20 minutes ; cette limite dépend de nombreux facteurs. Il est également bon de ne pas être tout le temps attentif parce que le cerveau continue de travailler, même quand l’apprenant a l’air de ne pas être attentif. Le cerveau est en réalité en train de traiter les informations en profondeur. Il faut pour cela se couper du stimulus externe. L’entrelacement permet aussi de mieux mémoriser en raison de la répétition, et plus particulièrement la récupération de l’information. En effet, si l’apprenant consacre 30 minutes aux mathématiques puis 10 au français, quand il revient aux mathématiques, il récupèrera son souvenir des 30 minutes précédentes, afin de s’en fabriquer de nouveaux avec la nouvelle séance. Et pendant ce temps, il a des chances de penser aussi au français.
  • Améliore la créativité. Dans la vidéo, on a vu qu’Olga suivait des formations en développement web et prenait aussi des cours d’italien. Les deux n’ont apparemment rien à voir, mais Olga a partagé avoir eu des illuminations lors de ces cours. François a quant à lui constaté que ses élèves sont plus créatifs au bout de 15 jours, au point qu’il est obligé de canaliser cette créativité. Les entreprises dans lesquelles les élèves de François ont fait leur stage ont constaté une différence avec les élèves qui avaient suivi une formation plus classique. Si au contraire de la mémorisation la créativité n’a pas été mesurée expérimentalement (c’est plus difficile à mesurer de manière expérimentale), en revanche, c’est un phénomène constaté par différents scientifiques.
  • Améliore le transfert. Le transfert est la capacité à utiliser ce qu’on a appris dans un contexte pour résoudre un problème dans un autre contexte. L’entrelacement conduit aussi à plus de flexibilité parce qu’en passant d’un sujet à l’autre, d’un thème à l’autre, il se crée des manques que l’apprenant va implicitement et inconsciemment combler, avant de les confirmer ou infirmer par la suite du cours. Cela rend l’apprenant davantage actif, y compris dans un cours descendant rendu désormais plus dynamique. Les reproches que l’on fait aux cours descendants classiques (l’apprenant se contente d’écouter et de prendre des notes) sont peu vrais lorsqu’on emploie la technique de l’entrelacement. L’apprenant est donc plus flexible parce que l’entrelacement crée des manques qu’il va combler lui-même. Il est donc moins formé, moins enfermé dans une forme, moins modelé.  En étant plus flexible, dans son environnement professionnel, il augmentera les chances de pouvoir détecter des signaux qui lui permettront de récupérer (penser à) ce qu’il a appris en formation et développer des ressources pour résoudre le problème. Dans la formation à la complexité, Sophie qui intervient dans la vidéo a fait des séquençages avec des thématiques différentes pour pouvoir demander aux étudiants de mobiliser des savoirs-agir complexes. Elle essaie d’identifier des compétences et des cours pour ces savoirs-agir complexes, afin que les étudiants fassent des liens. En passant d’un sujet à l’autre, d’un thème à l’autre et en revenant à l’un puis l’autre, l’apprenante fait davantage de liens inédits plutôt que si on commençait et achevait le thème 1, , problème 1, puis on passait linéairement au thème 1, problème 2.
  • L’entrelacement brise aussi plus facilement la résistance au changement. La progression au sein des compétences et connaissances n’est pas linéaire, elle est erratique, et il existe même des périodes de régression. Kurt Fisher, l’un des fondateurs de la neuropédagogie à Harvard, le montre dans ses travaux que j’aborderai en détail. L’apprenant est tout le temps en mouvement, il fait toujours quelque chose de différent, de nouveau et accède ou crée ainsi des réseaux d’information plus complexes. Tout cela participe au changement.
  • Amélioration de la métacognition. Notons que cela n’a pas été vérifié expérimentalement, ce sont des déclarations fournies par les apprenants aux scientifiques. La métacognition est la cognition sur la cognition. C’est la capacité à monitorer ses pensées, à connaître ses forces et faiblesses, capacité à repérer les erreurs, et savoir comment les corriger. On peut être savant et assidu aux formations et cours et ne pas réussir à utiliser concrètement ce qu’on a appris, en raison de ce déficit en métacognition. L’entrelacement améliore la capacité à identifier des erreurs et à fixer des objectifs.
  • Améliore la motivation. Comme un sujet n’est pas fini, on a envie d’aller plus loin. On est tout le temps en déséquilibre, donc l’entrelacement crée des émotions. Souvenez-vous des 3 définitions d’une émotion. Pas de routine. Il y a toujours quelque chose de nouveau, de différent. Les séquences sont plus courtes, plus dynamiques. Si un apprenant n’aime pas les mathématiques, et s’il en fait 2h d’affilée, il s’ennuie pendant 2h. S’il fait 15 minutes de maths, puis passe au français et aime cette matière, sa récompense viendra plus rapidement. Il peut même en venir à aimer les mathématiques par le mécanisme behavioriste du conditionnement puisque ce qu’il n’aime pas sera lié à ce qu’il aime. On abordera bien entendu les mécanismes du conditionnement.

L’entrelacement favorise donc la productivité cognitive comme dans différentes professions. Si j’ai deux problèmes à résoudre, je ne vais pas commencer et terminer par l’un, puis commencer et terminer l’autre. Je mets le 1er problème dans ma tête puis le second. Je reviens à l’un puis à l’autre. Pendant que je suis focalisé sur le second problème, mon cerveau résout inconsciemment le premier. Des psychologues avaient étudié des schizophrènes à personnalité multiple. Ils poursuivaient l’objectif de savoir si les patients simulaient. Beaucoup ne simulaient pas. Ils avaient des personnalités qui s’ignoraient vraiment. On peut donc traiter des informations sans en avoir conscience. Une partie du cerveau travaille inconsciemment.

Quand un apprenant a plusieurs exercices à faire, il vaut mieux qu’il utilise l’entrelacement. A force, il gagnera sans doute beaucoup de temps en productivité et sera vraisemblablement plus créatif puisque croiser plusieurs sujets et problèmes, passer de l’un à l’autre fera émerger des idées originales et inédites.

En pédagogie, l’entrelacement est une technique nouvelle et révolutionnaire. Les travaux scientifiques sont trop peu nombreux pour savoir s’il existe un ordre précis idéal pour organiser les thèmes, sujets et problèmes. C’est à vous de tester. Notons que les travaux scientifiques ont étudié l’entrelacement au sein de la même discipline.

L’organisation de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur rend difficile l’entrelacement de différentes disciplines, français et mathématiques, par exemple. Cela nécessite de repenser l’emploi du temps des professeurs, la gestion de la salle de classe, et la coordination des professeurs. C’est un travail important en amont mais qui mérite vraiment d’être réalisé. Notons que Joël de Rosnay, un biologiste de renom et l’un des fondateurs de la systémie, en plus d’avoir importé le surf en France, avait appelé à une refondation des programmes et de l’organisation scolaire pour justement proposer des projets transversaux.

Dans les entreprises aussi, l’entrelacement n’est pas évident à implémenter. Cela nécessite de repenser l’organisation et la coordination des ressources humaines. Mais là encore, on constatera sans doute un gain de productivité.

Si les ingénieurs n’aiment pas l’entrelacement, parce qu’ils sont habitués à « cocher les cases » à mesure qu’avance la formation, il existe aussi un cas où il ne faut pas employer cette technique : quand ce qu’on doit apprendre est difficile, complexe. On peut cependant contourner le problème : on enseigne les bases selon l’approche linéaire, et dès qu’elles sont comprises et mémorisées, on utilise alors l’entrelacement.

Je précise également qu’on peut toujours utiliser quelque chose de déconseillé et obtenir de bons résultats ; une formation est une rencontre unique entre des apprenants, une formatrice et des problèmes. C’est pourquoi il faut aussi faire confiance aux formateurs et formatrices expérimentés qui connaissent les difficultés des apprenants et sont à même de savoir dans quel cas utiliser l’entrelacement.

Au début, cette technique peut être difficile, mais on devient plus performant à force de la pratiquer, et on ne peut alors plus s’en passer.

Notez combien j’utilise l’entrelacement dans mes formations, dans le présent document.

Il existe par exemple un autre cas où cette technique peut ne pas être efficace : pour les apprenants à besoin particulier, comme ceux qui éprouvent un déficit de mémoire de travail. En revanche, on peut utiliser l’entrelacement pour justement stimuler cette mémoire de travail. Existe-t-il une durée optimale avant de changer d’activité, de thème, de problème ? Non. Cela dépendra de nombreux facteurs.


Activité communautaire 6. Émettez des hypothèses en réponse aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’entrelacement améliore la créativité ?
  • Pourquoi l’entrelacement améliore le transfert (trouver d’autres justifications) ?
  • Pourquoi l’entrelacement peut briser la résistance au changement ?
  • Pourquoi l’entrelacement peut améliorer la capacité à identifier les erreurs et fixer les objectifs ?