Théories générales sur la motivation
Qu’est-ce qui peut conduire un apprenant à rattraper un retard académique considérable et briller dans ses études, un hémiplégique à remarcher, une cycliste à gagner des titres nationaux à près de 50 ans, un homme ordinaire à devenir l’un des principaux chefs d’entreprises ? La motivation !
Si de nombreuses questions restent en suspens, les recherches sur la motivation ont tout de même permis non seulement de combattre certains préjugés, mais aussi de dégager quelques généralités. Sans oublier que les recettes universelles sont rares, la motivation demeure avant tout liée à la personnalité, à l’éthique et à l’interprétation de chacun.
Cependant, peut-on motiver autrui ? Telle est la question de fond à laquelle se propose de répondre le présent cours, en trois parties.
1. Définition
Motivation : comportement affecté par un motif, une énergie et une direction
Le nom motivation vient du latin movere qui signifie bouger. La motivation constitue donc un motif pour bouger. Ce motif répond à un besoin ou à un désir. Le motif pour bouger est alimenté par une énergie et nécessite une direction. Le motif, l’énergie et la direction visent à affecter un comportement, soit à produire une action.
On ne peut donc observer que l’action qui résulte de la motivation, pas la motivation elle-même, ce qui rend les théories sur la motivation très imprécises.
Motivation extrinsèque et motivation intrinsèque
Traditionnellement, on constate deux formes de motivation : la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque.
La motivation extrinsèque est la forme la plus simple de motivation puisqu’elle s’appuie sur des relations causales (causes-conséquences). Si l’énergie est interne, le motif (la récompense ou la punition) et la direction sont essentiellement externes, c’est-à-dire qu’elles viennent de l’extérieur. Par conséquent, la motivation extrinsèque est la forme de motivation la moins performante, la plus aléatoire mais la plus facile à actionner.
En revanche, la motivation intrinsèque dont le motif et la direction sont essentiellement internes offre les plus grandes performances parce que l’énergie déployée, invariablement interne, est plus importante et plus constante. Mais plus délicate à obtenir, elle dépend uniquement des besoins et désirs des apprenants.
Les stimuli positifs et négatifs
Arthur Shopenhauer a été l’un des premiers savants à s’intéresser à la motivation. Ce philosophe allemand du XVIIIè siècle a en effet observé qu’on n’était pas simplement motivé, mais qu’on réagissait à des stimuli perçus comme positifs ou négatifs. Les premiers vont nous inciter à adopter un comportement en vue de s’en rapprocher, et les seconds en vue de s’en éloigner. On cherche à obtenir ou conserver ce qui est positif, à se débarrasser ou à ne pas acquérir ce qui est négatif.
2. Le mécanisme moléculaire de la récompense
La neuropédagogie a ceci de particulier qu’elle essaie de rendre plus performants les apprentissages en s’appuyant sur les neurosciences dont les progrès sont constants. Petit à petit, grâce au travail inlassable des chercheurs, le cerveau dévoile ses mystères.
Il n’est donc pas étonnant que la neuropédagogie fasse entrer dans son champ d’étude la motivation. Or la motivation est liée à la récompense qui sollicite des aires du cerveau et un mécanisme biochimique relativement bien identifiés.
Le système de la récompense (le « brain reward system ») sollicite ainsi des aires corticales et sous-corticales. Le cortex préfrontal (qui abrite les fonctions cognitives supérieures) interagit donc avec les aires limbiques (surtout l’amygdale et l’hippocampe) qui sont engagées dans les émotions et la mémoire.
Au cœur de ce processus, on retrouve le NAc ou noyau accumbens ; il y en a un par hémisphère. Le noyau accumbens est le centre de récompense du cerveau ; il est engagé dans le plaisir mais aussi l’addiction.
Sur le plan biochimique, on retrouve essentiellement des neurotransmetteurs comme la dopamine et la sérotonine, reconnus pour être des neurotransmetteurs du plaisir, mais aussi la noradrénaline et l’acétylcholine.
Au vu des aires engagées comme du mécanisme biochimique, la motivation est donc à la fois un processus conscient et inconscient, cognitif et émotif. Mais surtout une recherche du plaisir, une fuite du déplaisir.
3. Motivation consciente ou inconsciente
Lorsqu’on s’engage dans une action, les raisons qui justifient notre comportement ne sont pas toujours celles que l’on veut bien admettre, aussi peut-on affirmer que la motivation est dans certains cas un processus conscient, dans d’autres un processus inconscient.
Elle est un processus conscient en cas de mobiles explicites de réussite. Ces mobiles ont alors leurs racines dans les structures corticales.
En revanche, la motivation est un processus inconscient lorsque les mobiles de réussite sont implicites. Ces mobiles ont alors leurs racines dans les structures du cerveau médian.
Ces deux types de mobiles sont essentiellement indépendants.
4. Qu’est-ce qu’une récompense ?
On ne peut parler de motivation sans aborder la récompense. La récompense est un stimulus positif qui nous motive à le conserver ou à l’acquérir. Il comporte une charge émotionnelle importante. Ce stimulus positif revêt plusieurs formes.
D’abord, on peut observer un stimulus inconditionné (SI) qui provoque une réponse inconditionnée (RI), c’est-à-dire sans apprentissage ; soit un réflexe. Par exemple, la nourriture (SI) entraîne la salivation (RI).
Ensuite, on peut observer un stimulus conditionné (SC) à partir d’un stimulus neutre (SN) et qui entraîne une réponse conditionnée (RC). Par exemple, on présente plusieurs fois de la nourriture (SI) en faisant retentir une clochette (SN). L’animal en viendra à associer le son de la clochette avec le repas ; il salivera alors. Le son de la clochette qui était un stimulus neutre (SN) est donc devenu un stimulus conditionné (SC) dont la réponse – la salivation – est conditionnée (RC). Ce conditionnement pavlovien est la base de l’apprentissage associatif.
Le stimulus conditionné peut influencer la motivation extrinsèque, orientée vers le but, parce qu’un stimulus conditionné (SC) peut avoir autant de valeur qu’un stimulus inconditionné (SI). Par exemple, grâce au conditionnement, un animal peut être autant motivé à entendre le son de la clochette qu’à lui présenter la nourriture. Le son de la clochette activera les zones du plaisir et pour obtenir cette récompense – écouter le son-, on peut le conduire à presser un bouton. Cette motivation conditionnée est abondamment employée dans les techniques de marketing (pour créer un comportement compulsif d’achat par exemple), mais aussi dans les apprentissages.
On croit à tort que le fait de savoir ce qui va se passer nous motive à agir ou à ne pas agir. En réalité, la connaissance ne détermine pas l’action. C’est la valeur que l’on accorde à accomplir ou ne pas accomplir une tâche qui prime. Par exemple, je suis en plein désert avec un ami, or s’il me reste un peu d’eau, mon compagnon d’infortune a consommé toute sa part. Je sais que si je conserve l’eau pour moi seul, je prolongerai assurément ma vie de quelques jours. Je prendrai ma décision non pas en fonction de ce savoir, mais en fonction de la valeur que j’accorde à la décision : partager ou ne pas partager la précieuse eau. Cela illustre parfaitement bien l’aphorisme de Blaise Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point, on le sait en mille choses ».
Récompenser quelqu’un pour son action, c’est créer une association entre la représentation sensorielle (on perçoit) et cognitive (on analyse) de cet événement et une réponse émotionnelle (on répond avec le cœur). Récompenser une action, c’est conditionner à accorder de la valeur à l’action ; c’est renforcer le processus émotionnel.
Le système de récompense est au cœur des processus de motivation. L’incapacité à être satisfait et trouver du plaisir (stimuli de récompense) comme le désir excessif pour certaines récompenses sont des symptômes de désordres mentaux comme la dépression ou l’addiction.
5. La motivation, un processus largement émotif
La motivation est un phénomène cognitif, mais aussi émotif. C’est par le biais de l’émotion que le cerveau va évaluer s’il faut agir ou non. L’émotion se situe en amont de la motivation en ce qu’on va agir pour rencontrer une situation plaisante ou fuir une situation déplaisante. Mais l’émotion est également présente en aval de l’action en ce qu’on éprouvera une émotion positive en cas de succès ; une émotion négative en cas d’échec.
En fonction du sort (succès ou échec) de l’action, l’émotion ressentie en aval provient essentiellement de l’éducation (le conditionnement) parentale, surtout lorsque les parents donnent une récompense ou une punition selon que l’on ait fait preuve de compétence ou d’incompétence.
Weiner et la théorie de l’attribution causale
Bernard Weiner est un psychologue cognitiviste, professeur à la célèbre UCLA, spécialiste de la motivation. Il est le fondateur de la théorie de l’attribution causale qui tente d’expliquer pourquoi les gens font ce qu’ils font.
Les facteurs qui affectent le plus l’attribution causale sont les efforts, la difficulté de la tâche, les capacités de l’apprenant et aussi la chance.
L’attribution causale repose sur un processus en trois étapes :
- Le comportement est observable ;
- Le comportement est intentionnel ;
- Le comportement est attribué à des causes internes ou externes.
Selon Weiner, on attribue la réussite ou l’échec de nos actions à des causes en fonction de trois dimensions binaires :
- on attribue le succès ou l’échec de l’action à soi-même (cause interne) ou à une cause extérieure (cause externe) ?
- Les causes sont-elles persistantes (stabilité) ou changeantes (instabilité) ? Autrement dit, A va-t-il toujours donner x, ou peut-il donner y ou z ?
- Les causes sont-elles contrôlables comme le talent ou les compétences ou incontrôlables comme la chance ou les actions d’autrui ?
Weiner pense également que certaines dimensions vont provoquer des émotions spécifiques, et leur donne donc une valeur prédictive. Par exemple, un étudiant connaîtra une émotion positive s’il attribue le succès à son intelligence conjuguée à ses efforts (cause interne, stable et contrôlable). Il sera donc motivé à se frotter à des tâches similaires mais plus difficiles.
En revanche, si la tâche était trop facile (cause externe, instable et incontrôlable), alors il ne se frottera pas à des tâches similaires mais plus difficiles. En effet, il ne retirera aucune fierté (émotion positive) d’une part, quand d’autre part ses capacités (causes internes et stables) n’auront pas été éprouvées. Aussi cet étudiant craindra-t-il l’échec. Non seulement on n’est pas motivé par ce qui semble trop facile ou qui n’a pas beaucoup de valeur, mais aussi on peut tout simplement être complètement démotivé.
Si un étudiant attribue l’échec à un manque d’intelligence (cause interne, incontrôlable et stable), il ne sera pas prêt à recommencer cette tâche parce qu’il éprouvera un sentiment négatif, la honte.
En revanche, si un étudiant attribue l’échec à un manque de travail (cause interne, instable et incontrôlable), il pourra recommencer avec une motivation accrue, malgré un sentiment de culpabilité.
Si la théorie de l’attribution causale de Weiner se vérifie empiriquement, elle ne revêt pas de règle générale parce que le problème majeur se situe dans l’interprétation personnelle que l’on donne aux causes.
Par exemple, certaines personnes pensent que l’intelligence est un don ; ils lui attribuent donc une cause interne, stable et incontrôlable. En revanche, d’autres personnes pensent que l’intelligence est une compétence que l’on peut acquérir ; ils lui attribuent donc une cause interne, instable et contrôlable.
Seul un profilage précis permet de savoir comment fonctionne la motivation de chaque individu.
Malgré tout, on peut retenir de cette théorie quelques règles générales absolues :
- Pour conserver une motivation suffisante, la difficulté d’une tâche doit être proportionnelle aux capacités de l’individu ;
- On évite de récompenser la réussite et de sanctionner l’échec. La réussite est la récompense et l’échec la sanction. Toute autre action provoque un conditionnement qui a pour effet de briser la motivation intrinsèque – la plus performante – au profit de la motivation extrinsèque.
Les théories de John Atkinson et Reinhard Pekrun
John Atkinson, un précurseur sur les théories de la motivation, attribue un impact important à l’anticipation de la fierté ou de la honte. Pour lui, cette anticipation est le moteur de l’action.
Selon ces théories, l’apprentissage peut être divisée en 3 composantes :
- un espoir : les étudiants croient en leurs capacités, en leur efficacité ;
- une valeur : buts, raisons, intérêts ; maîtrise, performance ;
- un sentiment : c’est le côté affectif
Reinhard Pekrun affirme que l’émotion joue comme un médiateur cognitif et motivationnel dans le contexte de l’apprentissage. Sa théorie explique comment 3 catégories d’émotions peuvent affecter la motivation et l’apprentissage :
- les émotions relatives à un processus. Elles se produisent pendant un acte d’apprentissage : l’étudiant éprouve du plaisir ou de l’ennui ;
- les émotions prospectives : elles se produisent avec l’anticipation d’un résultat : espoir ou anxiété ;
- les émotions rétrospectives qui se produisent après la fin d’une tâche : fierté ou honte.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE (extrait)
1. Ouvrages de base
2. Revues :
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