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Introduction aux images mentales

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Introduction aux images mentales

Les images mentales forment une partie importante de la neuropédagogie, de la pédagogie systémique et de la Gestion Mentale. Elles sont également un champ de recherche pour la psychologie et les neurosciences.

Les images mentales participent à la réussite des apprentissages et des actes professionnels, mais sont aussi employées dans le sport et dans bien d’autres domaines.

Ce cours introductif est le premier d’une série consacrée aux images mentales. Les suivants seront davantage axés sur leur emploi pratique. Je conseille également le lecteur de lire les cours sur la Gestion Mentale pour parfaire ses connaissances en la matière.

 

Objectifs :

  • introduire le lecteur aux images mentales pour le préparer aux autres cours et exercices sur le sujet ;
  • donner quelques conseils pédagogiques

 

Définition

 

Une image mentale est une représentation d’un percept ou d’un concept en l’absence de leur perception.

Un percept est ce qui est perçu par l’un des cinq sens sans que lui soit nécessairement associé une signification.

Un concept est l’information ou l’ensemble des informations associées au percept.

Par exemple, … — … est un percept, juste une forme perçue par l’un des sens ; en l’occurrence la vue. Mais ceux qui connaissent le Morse savent que cela signifie S.O.S. C’est le concept associé au percept.

Autre exemple : « chien » est composé en français d’un signifiant graphique (les lettres C.H.I.E.N) et d’un signifiant phonique (le son que l’on émet lorsqu’on prononce ce mot). C’est le percept. Mais on a donné un sens à l’ensemble de ces lettres : mammifère à quatre pattes qui aboie. C’est ce qu’on appelle le signifié en grammaire, le concept en psychologie et philosophie.

L’image mentale peut naître après avoir perçu un objet de perception. Elle lui sera plus ou moins similaire, cela est fonction de la capacité imageante de l’individu. Je peux par exemple former dans mon conscient l’image de ma maison alors que je suis loin d’elle. Mais une image mentale n’est jamais la copie d’un objet de perception. C’est toujours une construction psychique abstraite. La distinction a son importance.

L’image mentale peut aussi résulter purement et simplement de l’imagination. Ainsi suis-je capable de visualiser une maison construite avec des pommes de terre sans en avoir jamais vue.

On emploie le terme d’image sans que cela soit exclusivement lié à tout ce qui est visuel. Ainsi peut-on parler d’image auditive, gustative, olfactive, kinesthésique, somesthésique ou encore tactile. Une image est une forme particulière de représentation.

 

 

L’approche philosophique

 

Il faut remonter à l’antiquité avec Aristote pour découvrir les images mentales. Effectivement, dans De anima, le philosophe annonce que “la faculté pensante pense ses formes en images mentales“, ajoutant que ” personne ne pourrait jamais apprendre ou comprendre quoi que ce soit dans la faculté perceptive ; même quand on pense spéculativement, on doit avoir une image mentale avec laquelle penser “. Un peu plus loin, Aristote conclut ” l’âme ne pense jamais sans une image mentale ».

Notre rapport au monde comme à nous-même s’établit via nos sens qui donnent signification. C’est la manière la plus rapide, la plus simple et la plus spontanée d’être en relation avec ce que l’on nomme « le Réel ». Nous connaissons (étymologiquement “nous naissons à/avec“) le Réel d’abord via nos sens.

Bien après Aristote, Locke, un philosophe empiriste, soutient que toute connaissance provient de l’expérience, indépendamment de sa nature. C’est le cas des objets extérieurs que nos sens peuvent capter, mais aussi de la réflexion qui est pour lui un « sens intérieur ».

Plus proche de nous, Henri Bergson souligne l’influence du langage en affirmant dans Le Rire que « Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. »

 

 

Le développement des sens

 

S’il existe un lien entre les images mentales et les sens (mais aussi le mouvement), encore faut-il savoir quand ses derniers se développent. En la matière, tout se joue (presque) avant 2 ans.

En effet, le cortex auditif connaît son pic de croissance du dernier trimestre de gestation à la première année de l’enfant (-3 mois à 12 mois). Je conseille d’ailleurs toute personne en relation avec un bébé de lui parler un langage riche, emprunt de tonalités et d’accents différents et à lui faire écouter des musiques et des sons variés. Les bébés sont des génies.

De la même façon, il faut soumettre son bébé à une large variété de stimulations visuelles parce que la densité des synapses dans le système visuel connaît un pic vers le 10è mois. Le système visuel est très complexe avec ses 15 zones dédiées à la perception des mouvements, couleurs, teintes, profondeur, etc. C’est pourquoi V.S. Ramachandran, un neuroscientifique de l’université de San Diego en Californie, spécialiste de la vision, préconise d’éviter d’exposer son enfant à des écrans (télévision, ordinateur, console portable…) avant ses 4-5 ans. En effet, les écrans présentent des images en deux dimensions qui ne stimuleront pas toutes les zones du cerveau en même temps.

Enfin, le système vestibulaire, logé dans l’oreille interne, contrôle le sens du mouvement et l’équilibre. Il participe au développement sensori-moteur. Il faut donc inviter l’enfant à se mouvoir, mais aussi à tenir des objets pour qu’il ait une approche de son corps, de son environnement, de la masse, etc.

Les crèches constituent sans aucun doute le lieu idéal pour aider les bébés et les enfants les plus jeunes à développer leurs sens, et préparer au mieux le développement des images mentales.

Attention : stimuler ne signifie pas qu’il faut confronter les bébés et les enfants à d’incessants stimulis. Ils doivent aussi se reposer. De plus, il n’existe pas suffisamment de preuves sur l’influence des environnements enrichis dans le développement de “l’intelligence”. En revanche, il est certain que les environnements appauvris exercent une influence négative sur le développement de “l’intelligence”.

 

 

L’évocation et la Gestion Mentale

 

La Gestion Mentale, fondée par le philosophe Antoine de la Garanderie, accorde une importance prépondérante aux images mentales, clef des évocations.

Pour cet éminent pédagogue, les images mentales peuvent être de trois natures différentes (visuelles, auditives, kinesthésiques) selon deux modalités : à la première ou à la troisième personne (par exemple, je suis présent ou absent dans le lieu que je visualise dans mon conscient ; ou je me parle avec ma voix ou avec la voix de quelqu’un d’autre).

Selon Antoine de la Garanderie, la nature de ces images mentales est le fruit d’une habitude contractée dès le plus jeune âge, partiellement liée à la façon dont nos parents nous ont éveillés au monde. Par exemple, ils calmaient nos pleurs infantiles en nous berçant, ce qui nous sensibilisait au sens du mouvement, et préfigurait le profil kinesthésique. Mais ils pouvaient aussi nous apaiser en nous montrant quelque chose, et nous éveillaient alors au profil visuel. Ils pouvaient enfin nous rassurer en nous faisant écouter un son, une voix, et nous aurions alors de grandes chances de devenir « auditif ».

 

 

Critique psychologique de la Gestion Mentale

 

La Gestion Mentale est une pédagogie de l’introspection, de la métacognition, et si elle demeure intéressante et efficace pour mieux apprendre, elle nécessite d’être modernisée au vu des recherches en psychologie et en neurosciences. Mais elle a été trop injustement caricaturée par d’éminents psychologues Français qui n’ont à mon sens pas été tout à fait justes.

La Gestion Mentale postule comme Aristote que nous ne penserions qu’en images mentales alors que certains psychologues (très minoritaires aujourd’hui) dénient leur existence quand d’autres minimisent leur portée.

Existe-t-il une pensée sans images mentales ? On peut le croire parce que notre conscient ne peut pas examiner tous les processus mentaux. Si un individu ne peut se renseigner totalement sur lui-même, les processus mentaux demeurent également un phénomène qui échappe largement à l’observation directe par des tiers. Ce que l’on peut observer, c’est le résultat d’un processus mental, pas le processus lui-même.

D’autre part, la Gestion Mentale, comme la PNL (Programmation Neuro-Linguistique -> il faut faire attention avec cette discipline qui est considérée comme une pseudo-science), a conduit à distinguer des profils visuel, auditif et kinesthésique sur la base des images mentales, alors que la plupart d’entre nous gèrent les trois modes. Nous générons effectivement des images mentales dont la nature est appropriée à la situation à laquelle nous sommes confrontés. En revanche, il existe des sujets très imageants et d’autres peu imageants et c’est là qu’un profilage sur la base d’un entretien pédagogique et de tests peut être efficace (mais pas toujours; c’est compliqué) pour mieux apprendre.

De la même façon, les images mentales sont liées à la mémoire de travail, une mémoire “temporaire” qui est l’équivalent de la mémoire vive des ordinateurs, dont la capacité de rétention se situe généralement entre 5 et 9 unités informationnelles (par exemple, 5 à 9 lettres, 5 à 9 chiffres, 5 à 9 nombres…), l’empan mnésique. Notons que cela est contesté, la science est souvent fragile. Or les travaux de Baddeley, Hitch et leurs successeurs montrent que la boucle phonologique (qui s’occupe des mots) et le calepin visuo-spatial (qui s’occupe des images et de l’espace) sont sollicités en même temps sous l’autorité de l’administrateur central, le système qui les supervise et les coordonne.

Surtout, la distinction entre visuel et auditif ne résiste pas à la théorie du double codage de Paivio.

 

 

La théorie du double codage de Paivio

 

Allan Paivio, professeur émérite de psychologie à l’université de l’Ontario, est un spécialiste en images mentales. Il a conduit pendant de nombreuses années des recherches et des tests sur le sujet.

Pour ce psychologue, les informations que nous percevons via nos sens peuvent être de quatre formes – visuelle, auditive, tactile ou kinesthésique – et de deux natures, verbale ou non verbale. Ainsi, si nous voyons un chien dans la rue, il s’agit d’une information visuelle non verbale. En revanche, si nous lisons son nom sur son collier, ce sera alors une information visuelle verbale.

Les informations sensorielles de nature verbale sont traitées séquentiellement dans le temps quand les informations sensorielles de nature non verbale sont traitées simultanément dans l’espace. Notons que les deux types d’informations (verbale / non verbale) peuvent être traitées ensemble ou séparément par le cerveau. Par exemple, je peux générer dans ma tête l’image seule du chien, mais je peux aussi générer l’image de son nom et de sa silhouette.

Notons que cette théorie du double codage – on parle même de triple codage – n’est pas unanimement acceptée et qu’on s’intéresse aujourd’hui au rôle des émotions dans l’imagerie mentale.

 

 

L’approche neuroscientifique

 

Les neurosciences, notamment sous l’impulsion de Marta J. Farah de l’université Carnegie-Mellon ou encore de Franck Peronnet de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale ont découvert que les images mentales visuelles sollicitaient, comme la perception visuelle, le lobe occipital.

 

 

Conséquences pédagogiques

 

Jean Piaget et Antoine de la Garanderie ont abondamment abordé les notions d’images mentales et leur approche peut être complétée par des travaux plus expérimentaux en psychologie cognitive et neurosciences. La neuropédagogie et la pédagogie systémique sont deux disciplines qui emploient les images mentales.

La maîtrise des images mentales peut être l’un des moteurs du succès dans l’apprentissage et plus largement dans tous les actes de la vie. On pense par exemple au sport où la répétition mentale d’un geste permet d’augmenter la vitesse d’exécution et la précision, mais aussi à la chirurgie et à tout ce qui nécessite précision, attention, rapidité.

Les images mentales constituent ainsi un outil indispensable à la gestion de l’espace, la mémorisation et la compréhension des énoncés, sans que cela ne soit limitatif.

Johnson-Laird, le spécialiste des modèles mentaux, place les images mentales au cœur de sa spécialité.

Daniel Tammet, un chercheur affecté par le syndrome d’Asperger (un autiste génial), a relaté dans ses ouvrages l’apport des images mentales dans les processus d’apprentissage.

De nombreux scientifiques emploient les images mentales comme outils du raisonnement. Ce fut le cas par exemple de Poincaré ou Einstein.

On pourra trouver sur ce site des cours et des exercices pour augmenter sa capacité d’imagerie mentale afin de mieux maîtriser les actes mentaux liés ou non à l’apprentissage. Et pour approfondir et renforcer l’efficacité de tout cela, des formations sont disponibles. N’hésitez pas à vous renseigner.

 

En attendant, vous pourrez mettre à profit les conseils suivants :

  1. Il faut laisser du temps aux images mentales. Cela signifie qu’on ne passe pas de la perception de l’information à son traitement, mais qu’entre les deux, il y ait une pause évocative. Le schéma est donc le suivant : perception de l’information -> mise en image mentale de l’information -> traitement cognitif (mémorisation, réflexion, compréhension…) de l’information.
  2. Si un percept et une image mentale sont de nature différente, alors l’information sera mieux assimilée (comprise, mémorisée…). Par exemple, si quelqu’un nous lit la description d’un personnage (perception auditive), nous évoquerons plus rapidement et plus précisément son image (évocation visuelle).
  3. Il faut varier la nature des supports (texte, plan, schéma, dessin, intervention orale) pour apprendre son cours mais aussi pour enseigner.
  4. Certains mots et certaines phrases ont une capacité d’imagerie supérieure. C’est le cas par exemple des métaphores pour exprimer des idées particulièrement abstraites et difficiles à comprendre, ou encore des mots qui renvoient à un objet physique.
  5. Les expériences en psychologie cognitive ont démontré que si on mémorisait une carte, le temps mis pour relier deux points évoqués était proportionnel au temps mis pour relier deux points perçus.

 

Sources bibliographiques (parmi de nombreuses autres)

  • (1) Denis, M. : Image et Cognition
  • (2) Denis, M. : Les images mentales
  • (3) Piaget J. et Inhelder B. : L’image mentale chez l’enfant
  • (4) Paivio, A. : Imagery and verbal processes
  • (5) Grebot, E. : Images mentales et stratégies d’apprentissage
  • (6) Tammet, D. : Embrasser le Ciel Immense (un livre génial à la portée de tous)
  • (7) Journal of Cognitive neuroscience, automne 1989
  • (8) Gallina, Jean-Marie : Les Représentations mentales
  • (9) Kosslyn, Stephen M. : Image and Brain
  • (10) Kosslyn : Stephen M. : The case for Mental Imagery

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